Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

90 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

sous les drapeaux de la liberté, a plus de droit qu’aucun autre de défendre et d’affermir celle de son pays. Mais nous avons contre nous notre caractère, nos mœurs et nos habitudes. »

La Fayette s'inquiète peu des ministres. Il correspond directement et secrètement avec le roi et s’entend avec lui pour le renvoi du cabinet girondin, la résistance à l’Assemblée et un arrangement avec la coalition pour un armistice qui lui permettrait de venir à Paris rétablir l’ordre?. Roland s’étant plaint de lattitude prise devant lui par deux lieutenants de La Fayette, La Colombe* et Berthier (depuis prince de l'Empire), qui imputaient les reculades de Mons et de Tournay (28 et 30 avril 1792) à la lâcheté des troupes, le général adresse au ministre de l’intérieur une lettre d’une incroyable insolence, où il dit : «Je ne puis croire que mon aide de camp ait été chez un homme dont l’existence lui était inconnue avant que la gazette eût appris qu'il était ministre et qu’aujourd’hui il connaît à peine de nom, tout exprès pour calomnier la nation française et l’armée en général. » De ses soldats, il dit : « Leur patriotisme combat aussi courageusement les ennemis du dehors que leur discipline ceux du dedans; leur attachement aux principes qu'eux ef moi nous professons dérange les vues inconstitutionnelles de plus d’un parti. » Ce parti, c’est le jacobinisme, qui, selon lui, désorganise la France par la main de tels ministres. Quant aux affaires de Mons et de Tournay, elles sont le résultat

1. Cuaravay, tbid., p. 297.

2, VivenorT, cbid., À. II, p. 58.

3. Louis de la Colombe, né en 1755 au Puy-en-Velay, partit avec La Fayette en 1777 sur le vaisseau la Victoire, et resta l’aide de camp du général jusqu'en 1792. Il fut un des plus actifs agents de la délivrance, et après 1797 son secrétaire dans la publication de quelques mémoires,