Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 91

«d’une infernale combinaison entre les agents du despotisme et de l'aristocratie et ces vils hypocrites de la liberté qui concourent avec eux à notre désorganisation. Quant à mon armée, je compte sur elle autant qu’elle compte sur moi; notre confiance réciproque est fondée sur l'amour de la liberté, le respect des lois, la haine des factions et le mépris pour leurs chefs. » (II, 436.) Roland lui répond sévèrement, mais avec raison : « Vous professez, Monsieur, le respect pour les lois... Il ne vous est plus possible d’avoir de gloire ni d'existence que par elles. Il n'y a plus de milieu pour vous : il faut que vous soyez l’un des héros de la Révolution, ou que vous deveniez le plus infâme des Français‘. » En termes moins forts, c’est l'alternative qui se représentera à la conscience de La Fayette dans sa prison, et qu'il débattra comme un cas de conscience douloureux?; l'impression reçue de cette lettre de Roland, peut-être négligée ou repoussée avec dégoût dans l'entraînement de la lutte politique, se retrouvera, après une période d’inconscience, lors des longues méditations du cachot de Magdebourg, et accomplira dans l’âme du prisonnier un travail de sollicitation logique auquel il se dérobera d’ailleurs.

Mais le renvoi des ministres girondins est déjà décidé entre le roi, La Fayette et le parti feuillant. Les décrets des 27 et 29 mai et du 8 juin, sur la déportation des prêtres insurgés, sur la suppression de la garde du roi, portée de dix-huit cents hommes à six mille, et sur la formation d’un camp de recrutement pour la frontière autour de Paris, fournissent des motifs suffisants. Les ministres tombent le 12 et

1. CHaravay, tbid., p. 300. 2. Lettres VI, XI, XII, XXVII.