Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

92 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

le 15 juin, aux applaudissements de La Fayette. Sa conscience, chargée du sang du peuple depuis Paffaire du Champ de Mars, porte maintenant la responsabilité de cette intrigue ministérielle. 11 va encore, par la violence de son ambition aiguë et menaçante, provoquer les journées du 20 juin et du 10 août 1792.

Si La Fayette et le roi montrent tant de hardiesse dans la résistance à la Révolution, pendant ces premiers jours de juin, c’est qu'ils s'entendent etse soutiennent réciproquement. Le roi envoie Mallet du Pan auprès des coalisés pour solliciter un manifeste à la nation française, rédigé d'avance et dont on imposera la signature au duc de Brunswick, malgré ses répugnances. Dès le 3 décembre 1791, Louis XVI avait écrit secrètement au roi de Prusse, pour lui répéter qu'un congrès armé serait le meilleur moyen d'intimider les factieux, d'arrêter la Révolution en France et d'en empêcher l'extension en Europe. D'autre part, pour mettre en œuvre les moyens qu'il a sous la main, il fait écrire par La Fayette à l'Assemblée une lettre dont les termes lui ont été communiqués préalablement (111, 337) ainsi qu'au parti feuillant (III, 324), et qui devait être une sorte de manifeste de Brunswick à l’intérieur.

Du camp retranché de Maubeuge, le général fait la leçon aux législateurs; chef de la moitié des troupes qui gardent la frontière, il se préoccupe avant tout des intérêts du parti constitutionnel; il voit dans le parti contraire un complot pour désorganiser l’armée et faire le jeu de l'étranger. Oubliant que le régime de bourgeoisie censitaire est à lui seul la plus grave atteinte à la Déclaration des Droits, il accuse les jacobins de violer cette déclaration; il se plaint qu'on l’attaque lui-même dans sa chose, « la consti-