Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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stitutionnelle du roi soit maintenue : il est vrai que « les officiers de cette garde sont d’une aristocratie provocante et que l’indécence de leurs propos déplaît aux bons citoyens; mais ceux qui ont voté leur cassation sont inexcusables ».

La « coalition des rois de la quatrième race », qui formait la majorité de l’Assemblée depuis le 13 juillet 1791, applaudit à cette lettre et en réclama l’impression et l'envoi aux départements. La gauche protesta. Vergniaud essaya timidement de modifier l’état d'esprit des Feuillants ; il parut surpris que directement un soldat, au lieu d'écrire au ministre de la guerre, s’adressât à l’Assemblée pour lui donner des avis : «Que sont les conseils d’un général d'armée, si ce ne sont des lois? » Guadet, signalant habilement les passages de la lettre qui, par maladresse ou forfanterie, eussent pu révéler l'entente entre le roi traitre et le soldat factieux, démontra qu’elle supposait connus d'avance des faits produits ultérieurement, en contesta l’authenticité et en obtint l'envoi au Comité des Douze institué le 25 novembre 1791, pour juger des actes attentatoires à la constitution!.

Au milieu de l'agitation produite par la lettre de La Fayette, le roi notifie son veto aux décrets et la constitution du ministère de réaction qui annonçait son intention d’un coup d'État plus prononcé. Le peuple comprit enfin, et, revenant de la stupeur où il était depuis l’affaire du Champ de Mars, il se montra menaçant dans la journée du 20 juin. « Ce fut une manifestation plus burlesque que dramatique. Le sang-froid de Louis XVI et sa bonhomie touchèrent le peuple, qui se retira content. Il crut avoir averti,

1. Histoire parlementaire, t. XV, p. 75.