Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 95

reconquis son roi. Ce ne fut pas du tout une tentative pour renverser le trône et établir la république. Ce fut cependant un événement considérable, une entrée en scène du prolétariat, non plus farouche et émeutier, comme aux journées d'octobre 1789, mais calme, fort, joyeux de sa force et capable de s’organiser. La bourgeoisie en trembla*. »

Mais il ne suffit pas à La Fayette d’avoir adressé des sommations à l'Assemblée. Il lui tarde d’agir par luimême. Les premiers mouvements de l’idée fixe, entretenus par l’entente avec le roi, n’ont abouti encore qu’à la lettre du 16 juin; l’activité morbide de la passion, favorisée par le succès obtenu, s’accumule et va réclamer un déplacement de toute la personne; de Paris, l'obstacle exerce jusqu’au camp de Maubeuge son action fascinante, et le vertige va commencer. La Fayette écrit à Lajard (22 juin 1792), ministre de la guerre et son confident depuis le 10 juin, que les dispositions militaires à la frontière l’intéressent beaucoup moins que la situation politique. « C’est sur elle que doivent se porter les efforts de tous les bons citoyens. Il n’y en a pas un que je ne tente plutôt que de voir la liberté, la justice et la patrie sacrifiées à des factieux. Mon combat avec eux est à mort”, et je veux le terminer bientôt; car, dussé-je les attaquer seul, je le ferai sans compter ni leur force ni leur nombre. » Il est alors dans l’état de r72onoidéisme que nous indiquions en commençant; il va être sollicité de plus en plus par l'impulsion irrésistible.

Le 25, il souffre des retards que lui imposent ses devoir militaires, et trouve leur accomplissement inuile « pour peu qu’on tarde encore à ramener l’ordre

1. AULARD, ibid., p. 187. 2. Cf. lettre IV.