Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

96 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

au dedans et à faire respecter la constitution, dont un des pouvoirs vient d’être si atrocement avili et sera peut-être ouvertement attaqué. L’indignation de l’armée à cet égard est un sentiment qui l’honore et qu'il partage plus que personne. » Le 26, se produit le premier effet de vertige. « L’obsession est devenue trop forte; les préoccupations politiques lemportent sur les devoirs militaires’. » ILest halluciné. Il n’écoute pas les objections de son collègue Luckner, le prévenant « que les sans-culottes lui couperont la tête » ; il repousse les adjurations du directoire départemental de Soissons, et, sans avoir prévenu le ministre de la guerre, il arrive à Paris le matin du 28 juin, rue de Seine, n° 41, chez son plus intime ami, La Rochefoucauld, qu'il stupéfie par son exaltation. Autorisé à se présenter à la barre de l’Assemblée, il déclare parler au nom de son armée, dont il a reçu des adresses; au nom de tous les honnêtes gens de France, dontaucun ne le désavouera, et déclare «qu'il est temps de tromper les espérances des mauvais citoyens; d’ordonner que les instigateurs et les chefs des violences commises le 20 juin soient poursuivis et punis comme criminels de lèse-nation ; de détruire une secte qui envahit la souveraineté nationale, tyrannise les citoyens, et dont les débats publics ne laissent aucun doute sur l’atrocité de ceux qui la dirigent; enfin, de donner à l’armée l'assurance que la constitution ne recevra aucune atteinte. » (III, 335.) Quelques applaudissements suivent ces déclarations ; mais l'Assemblée, après cette scène, a le sentiment qu’elle est en présence d’un homme qu'il est inutile

1. CHavaray, p. 308.