Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
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forma entre eux le premier lien ; la franche bonhomie qui était le fond du caractère de Vergniaud fit le reste : elle lui gagna l'affection du Président, qui en fit bientôt son secrétaire, et, non content de lui prodiguer les conseils de son expérience, lui ouvrit bien souvent sa bourse. C'est M. Dupaty qui paie sa pension, qui le met en rapport avec les hommes d’affaires ; c'est lui qui plaide sa cause auprès de ses parents, lorsque ceux-ci s’étonnent des longueurs d'un pareil noviciat, et se fatiguent des sacrifices qu'il leur im pose; c'est lui, enfin, qui prédit l'avenir réservé à son jeune protégé. « Je lui procurerai de temps en temps, écrit-il, quelques affaires ; je viens déjà de lui en procurer une très-intéressante pour son début. S'il s'en tire bien, comme j'ai tout lieu de l’espérer, son sort est comme fait; il ne faudra plus que du temps; un jour il fera honneur à sa famille, n’en doutez pas (1). »
C'est le 25 août 1781 que Vergniaud a prêté le serment d'avocat. S'il ne débute pas tout de suite, c'est qu'il faut « obtenir l'audience; » or, ce n’est pas chose facile : le Parlement, en effet, boude, intrigue, et ne juge guère. Remontrances, lettres de cachet, députations, voyages à Versailles, tout cela occupe et préoccupe beaucoup les magistrats, mais intéresse moins les plaideurs que leurs affaires; quant à Vergniaud, qui n'y saurait rester indifférent, puisque c'est M. Dupaty qui est la cause innocente de tant de querelles, il se plaint des lenteurs du service, dont il souffre tout le premier. « L'ordre est arrivé de convoquer incessamment tous les membres du Parlement. Mais jusqu'à quand le premier Président étendra-t-il cet incessamament ? C'est véritablement le cas de dire : « Pauvres plaideurs, prenez patience! Les avocats et les procureurs qui n’ont pas de pain cuit en ont grand besoin aussi (2). » Enfin, il
(1) Lettre de M. Dupaty à M. Alluaud, 29 décembre 4781; Vatel, t. Ier, lettre n° 42, p. 59. (2) 98 janvier 4789, lettre no 44, p. 61.