Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

— 3l —

Louis XVI, nous la devons à tous. Eh bien ! il faut le dire, les Girondins, la plupart du moins, et à coup sûr Vergniaud, — car ils le diront plus tard, etrien n'est plus vrai, ils n'ont jamais, à proprement parler, formé un parti: ce fut là leur faiblesse, et peut-être aussi leur honneur, — les Girondins arrivèrent à l'Assemblée avec la ferme volonté d'accepter, de maintenir, de défendre la Constitution, et, avec elle, le Roi. Ce n’est pas que ces érudits et ces délicats, enthousiastes admirateurs de la Grèce et de Rome, n’eussent peut-être au cœur des aspirations républicaines : les théories de Rousseau les avaient séduits; et Vergniaud lui-même, bien qu’il nous semble procéder plus directement de Montesquieu, n'avait pu échapper à l'influence de ce prodigieux et absorbant génie. Mais si la République était leur idéal et leur rêve, elle n’était pas, à cette heure, leur but politique et pratique. Et nous ne craignons pas, en leur restituant leur vrai caractère, de justifier le reproche de modérantisme sous lequel on les a plus tard accablés. Qui donc, même parmi ces farouches Montagnards, si ardents à Jes accuser, qui donc parlait alors de République? (1) Oui, Vergniaud aimait d’un ardent amour la liberté ; je ne dis pas assez, il adorait cette liberté qui est, pour parler avec La Boëtie, « un bien si grand et si plaisant, que, elle perdue, tous les maulx viennent à la file, et les biens mesmes qui demeurent aprez elle perdent entièrement leur goust et saveur, corrompus par la servitude (2). » Cette passion de sa jeunesse fut celle de toute sa vie. Avec quel enthousiasme, en 1789, il salua l'aurore des jours nouveaux! Mais alors aussi, il aima Louis XVI de l'amour même qu'il portait à la liberté. « Bénissons-le, écrivait-il, d'avoir reconnu que le pouvoir des rois émane de la volonté des (4) V., Sur le royalisme des Jacobins à cette époque, Michelet, Histoire de

la Révolution française, t. 11, p. 419. (2) Discours sur la Servitude Volontaire

#1