Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
1e Le Le
peuples, et que vingt-quatre millions d'hommes ne doivent pas être soumis aux erreurs et aux caprices d'un seul. Bénissons-le d'avoir reconnu que son plus beau titre est celui de roi-citoyen ; que, comme tel, il est soumis le premier à la loi, et que tout Français ne doit reconnaître aucun pouvoir qui n'émane d'elle et ne lui soit subordonné. La loi et le roi, ajoutait-il, tel sera désormais le cri de ralliement de tous les bons citoyens (1). »
Le voyage de Varennes fut pour lui une premièreet cruelle désillusion. En quittant Paris, en effet, Louis XVI ne protestait-il pas contre tous ses actes de roi constitutionnel, ne reniait-il pas son passé tout entier? Ce grave événement produisit dans toute la France une impression aussi pénible que profonde; et les Bordelais se montrèrent, en cette circonstance, plus hardis que les Parisiens. A la Société des Amis de la Constitution, on agite la question de savoir si le roi ne doit pas être jugé ; et Vergniaud, — détail curieux à noter, — émet l'avis qu'au cas où il serait trouvé coupable, la nation devrait être, dans les assemblées primaires, consultée sur sa destitution.
Louis XVI, ramené à Paris, protesta de nouveau de sa fidélité à la Constitution : l’Assemblée lui rendit ses pouvoirs; mais elle ne pouvait lui rendre l'autorité morale qu'il avait perdue. Comme il y avait une arrière-pensée dans les serments du roi, quelque défiance se mêla aussi aux sympathies de Vergniaud.
C’est dans ces dispositions d'esprit qu’au mois d'octobre 1791, il arrive à l’Assemblée Législative, avec la députation de Bordeaux, composée de ses confrères et de ses amis. Ce sont Ducos et Fonfrède, jetés avant l’âge sur cette scène où vont se faire admirer l'esprit du premier, l'ardeur du second, le courage de tous les deux ; avec eux le fougueux
(1) Circulaire adressée, le 17 mai 1790, au nom de la Société des Amis de
la Constitution, aux municipalités du département de la Gironde. (Procèsverbaux de la Société.)