Étude sur les idées politiques de Mirabeau

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aux insultes de la droitet. Mais le parti modéré l’encourageait, et Mirabeau, heureux de cet appui, redoublait d'activité pour proposer ce qu'il jugeait utile?. Comme les ministres du roi le repoussaient, il songeait à s’adresser au roi en personne. « Faites donc qu'au château on me sache plus disposé pour eux que contre eux, » disait-il à son ami, le comte de La Marck, qui était un familier de la cour. La Marck, qui comprenait ses idées, n’hésita pas à le recommander, non seulement au garde des sceaux, Cicé, archevêque de Bordeaux, mais à la reine elle-même. Comme il disait à Marie-Antoinette qu’il se flattait d’arracher son ami au parti démagogique : « Vous ne pourrez jamais rien sur Mirabeau, lui dit-elle. Nous ne serons jamais assez malheureux, je pense, pour être réduits à la pénible extrémité de recourir à lui. » Bientôt, s'apercevant que ni ses offres, ni ses discours royalistes ne parvenaient à gagner la cour, et averti d’autre part que l’on était menacé de nouveaux troubles, Mirabeau déplorait l’incurie du roi et de la reine et répétait ces mots : « On battra leurs cadavres, on battra leurs cadavres® ! »

‘Les sombres journées d'octobre arrivèrent en eflet, grosses de conséquences. C’est bien à tort que l’on accusa Mirabeau d’avoir trempé dans l’émeute{, Il est vrai que, irrité sans doute de l’insuccès des dernières tentatives de La Marck, ilse montra le 5 au matin quelque peu brouillon. « Ce peuple, remarquait-il, a besoin qu’on lui fasse faire de temps en temps le saut du tremplin5. » Mais il s’indigna bientôt de ses excès. « Au lieu d’un verre d’eau on en a donné une bouteille, » dit-il à Dumont. IL

1. Mon. Disc. des 10, 20, 23 et 24 août 1789. Arch. parl., p. 385-386, 473-477, 483, 186. Courrier, n° 26 et 31, n° 34, p. 17. Lettres à Mauvillon, p. 475-476, 485. — Les Acles des Apôtres lui faisaient notamment une guerre odieuse. Cf. l'article de M. Joseph Reïinach, dans la Revue politique, 1* semestre 1882 (mn série, tome IL, p. 619).

2. Lettres à Mauvillon. Lettre du 19 août 1789. La Fayette, v. IL, p. 322.

3. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 91-99, 94, 107, 112-113.

4. On lui attribua un rôle plus ridicule que méchant. Cf. Procédure du Ch4telet sur les journées d'octobre, dans le Moniteur, v. I. Ferrières, v. I, p. 307, v. IT, p. 177. Rivarol, p. 319. Mignet, v.I, p. 168. La Mark et Dumont prouvent qu'il ne prit pas de part à l'émeute (Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 115. Dumont, p. 180). Bertrand de Molleville, Rabaut-Saint-Etienne, La Fayette (v. I, p. 362, v. I, p. 33, v. IV, p. 45) l'en ont disculpé. Mounier et Malouet ont retiré les accusations qu'ils avaient d’abord lancées contre lui.

5. Mon. Disc. du 5 octobre. Courrier, n° 78, p. 17, n° 50, p. 2-9. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 122. Ferrières, v. I, p. 299. Martin, v. I, p. 92 et 113.