Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 107

dit dans les rues un pampblet intitulé : La grande trahison du comte de Mirabeau’. Pour refaire sa popularité, il profita de la mort de Franklin : il proposa un deuil officiel en l’honneur du célèbre citoyen américain®?.

Mais le point qu'il avait désiré demeurait acquis : il méritait les égards de la cour. La reine voulut bien lui accorder une entrevue qui eut lieu à Saint-Cloud, le 3 juillet au matin. En baisant la main royale qui lui était tendue : « Madame, s’écria Mirabeau, la monarchie est sauvée! » Il s’éprit aussitôt pour Marie-Antoinette d’une estime chevaleresque. « Le roi, disait-il, n’a qu'un homme, c’est sa femme... J'aime à croire qu'elle ne voudrait pas de la vie sans la couronne : mais, ce dont je suis bien sûr, c’est qu’elle ne conservera pas la vie sielle ne conserve pas la couronne. » Dès lors, encouragé par l'alliance tacite qu'il se flattait d’avoir conclue avec sa souveraine, il se met à adresser à la cour des notes pleines de conseils remarquables. II retrace son système politique tel que nous l'avons déjà étudié, car « ce n’est pas une contre-révolution, c’est une contre-constitulion qu'il veutt. » Il y expose aussi le plan qu'il juge propre à sauver la monarchie. Ce plan consistait à rallier autour du roi les chefs de l'opinion et à travailler l'esprit des provinces au moyen des publications et des intrigues d'agents correspondant avec un atelier central de police. Mais il fallait avant tout que le roi quittät les Tuileries. Il devait se retirer en Normandie au milieu de troupes fidèles et reformer une nouvelle Assemblée, tout en laissant subsister de la constitution ébauchée ce qu’elle contenait de vraiment durable. Pour obtenir ce résultat, Mirabeau se proposait, d’une part, de discréditer l’Assemblée actuelle dans l'opinion publique en lui faisant voter au besoin des mesures violentes, d'autre part, il allait jusqu'à admettre la nécessité de provoquer la guerre civiie pour abattre les factieux®.

1. La motion de Mirabeau se trouve aux Archives nationales, A. P. C. 2 1, n% 350 et 351. Mon. des 15, 20, 22 et 24 mai 1790. Courrier, v. NII, p. 236237. Corr. Mirabeau-La Marck, v. 1, p. 171, v. IL, p. 114. Ferrières, v. I, p. 27, 32-35. La Fayette, v. IT, p. 404. La Cretelle, Précis de la Révolution (Paris, 1818, in-8°), v. III, p. 13. Thiers, v. I, p. 219. Taine, p. 246.

2. Martin, v. 1, p. 118.

3. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 189-191, 231, w. Il, p. 25, 41, 67, 73, 80-81, 83, 85, 97-98, 165, 317, 320, v. II, p. 13. Sainte-Beuve, v. IV, p. 93.

4. Saint-Marc-Girardin, Revue des deux mondes, v. XII, p. 20.

5. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 150, 263, 371-375, v. II, p. 74-79,