Étude sur les idées politiques de Mirabeau
414 F. DECRUE.
Jouissant d'une grande considération et ne doutant plus du succès, Mirabeau renonçait aux demi-mesures et, à partir de1791, il se mit hardiment à la brèche pour la défense du roi et de la patrie. Chacun de ses discours devient alors un manifeste monarchique!. L'extrême gauche en étaitirritée, et, quand, le 25 février, il prononça sa célèbre déclaration sur l'importance du serment prêté au roi, elle l’avait interrompu une première fois. Lorsque, trois jours après, il demanda à l’Assemblée de faire délivrer Mesdames, tantes du roi, arrêtées, comme elles se rendaient à Rome, par la municipalité d’Arnay-le-Duc, il s’attira les plus violentes interpellations. Le tumulte fut indescriptible et Mirabeau, visant ses adversaires Péthion, Robespierre et consorts, les écrasa de cette fameuse apostrophe : « Silence aux trente voix ! » Aussi, le soir, dut-il aller s’expliquer au club des Jacobins où son éloquence communicative lui rendit tous les cœurs. Le même jour, La Fayette avait successivement dispersé, à Vincennes, le peuple ameuté, et désarmé, aux Tuileries, les soi-disant Conjurés du Poignard. Mirabeau et La Fayette étaient bien devenus tous deux les héros de la Révolution. Ils étaient réconciliés et ce fut dès lors La Meth qui devint le point de mire des attaques du grand orateur?.
La cour se laissait enfin gagner par ce brillant génie. L’intendant de la liste civile, La Porte, qu’elle avait chargé de surveiller ses démarches, lui rapportait, le 13 mars, que le comte de Mirabeau avait définitivement rompu avec les Jacobins®. Mirabeau en donna bientôt la preuve en faisant passer à l’Assemblée l’hérédité de la régence{, C'était le couronnement de son œuvre de reconstitution monarchique. Ses succès lui causaient une satisfaction qui se traduisit par un redoublement de labeur, soit à la tribune,
1. Adresses au roi et à l’Assemblée, au nom du département de Paris (mars). Courrier, v. XI, p. 291-293, 460. C'orr. Mirabeau-La Marck, v. IE, p. 82. Mon. du 9 mars. Disc. en faveur de la prérogative qu'a le roi de nommer le ministre des finances. Mon. du 17 mars. Disc. en faveur de la mise en liberté de Curion, accusé de contre-révolution. Courrier, v. XIII, p. 484.
9. Archives nationales, A. P. C. C. 2 1, 544. Mon., p. 227, 546-248. Disc. des 95 et 28 février. Ferrières, v. IL, p. 225, 250, 294-295. Corr. Mirabeau-La Marck, v. LE, p. 74. Thiers, v. I, p. 267. Martin, v. I, p. 163.
3. Archives nationales. C. IL. 133 (Wusée, p. 715). Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 46-47. Ferrières, v. IE, p. 241. La Fayette, v. IT, p. 467. Thiers, v. I, p. 251-253.
4, Mon., p. 226. Disc. des 22 et 27 mars. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 245-248.