Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 415

où il prononçait discours sur discours, soit au cabinet, où ses collaborateurs Pellenc et Reybaz travaillaient en permanence*.

Mais cette activité le tuait. Depuis quelque temps il se ressentait davantage de ses ophthalmies, de ses coliques néphrétiques. Ses derniers travaux et, plus encore, les excès auxquels il n’avait su renoncer finirent par l’achever. À l'Assemblée, on s’apercevait déjà de ces symptômes fâcheux et on l’écoutait de partout, même du côté droit, dans un silence religieux, comme s’il allait faire entendre le chant du cygne. Le 27 mars, après avoir fait un dernier et heureux effort pour obtenir l'adoption d’un décret favorable aux propriétaires des mines, il fut emporté mourant de la tribune chez lui. Le comte de La Marck était au nombre de ceux dont il avait maintenu les droits, de sorte que La Fayette a pu dire avec raison qu’ « il est mort victime de l’amitièé?. »

Pendant quelques jours, la France entière resta comme suspendue à son chevet. Talleyrand, en lui disant adieu, emporta son projet de discours sur les successions, pour le lire, en son nom, à la tribune. Les Jacobins, les députés, la cour suivaient avec inquiétude la marche de sa maladie. Quant à lui, sentant sa fin prochaine, il remit à La Marck les minutes de ses notes au roi, qu’il considérait comme la justification de sa conduite. Avec cette divination merveilleuse que la mort semble donner à ceux qu’elle approche: « J'emporte avec moi le deuil de la monarchie, dit-il; après ma mort, les factieux s’en disputeront les lambeaux *.»

Ses derniers moments furent particulièrement touchants par les paroles pleines d'élévation qu'il échangea avec ses amis. La Marck et Cabanis ne le quittaient pas. Enfin le président de l'Assemblée reçut ce laconique billet :

«Monsieurleprésident.— Aujourd’hui, samediZavril, à8 heures et demie du matin, M. de Mirabeau est mort. — (Signé :) Frochot, La Marck, membres de l’Assemblée nationale 4. »

{. Plan, 116-117. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 105. Mon. Disc. des 11, 12, 13 mars, du 3 mars, pour la création d'une caisse d’escompte, du 5 mars, en faveur des nègres de Saint-Domingue, du 21 mars, sur la défense du Rhin. Courrier, v. XIII, p. 315-318, 349, 507-508.

2. La Fayette, v. IV, p. 47. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 248-249.

3. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 261. Dumont, p. 292.

4. Archives nationales. À. E. IL. 1214. Frochot et La Marck furent les exécuteurs testamentaires de Mirabeau. Le comte de La Marck se chargea de toutes ses dettes.

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