Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. \ 4117

Mémoire le cadavre du grand homme et l’on dispersa ses cendres au vent. Dès lors, Mirabeau fut officiellement convaincu de s'être vendu à la cour et d’avoir trahi son pays.

I n’y a pas lieu de s'étonner que les hommes qui ont joué un grand rôle dans le monde deviennent l’objet d'accusations rétrospectives. Le grand orateur français devait être exposé aux mêmes soupçons que ses célèbres devanciers d'Athènes et de Rome. Un homme d’État, un orateur surtout, est trop en vue pour que ses moindres gestes, ses moindres intentions ne soient pas épiées, suspectées, calomniées, füt-ce déjà par ses adversaires politiques. Mirabeau prêtait plus qu’un autre le flanc à la critique. Toujours à court d'argent et toujours prêt à en répandre, il devait recourir sans cesse à la bourse d'autrui. Ses prodigalités, ses désordres lui méritent la réprobation publique. Mais, partir de là pour l’accuser d’avoir été une créature vénale, un traître sacrifiant à l’argent ses principes et sa conscience, c’est aller au delà de la justice et de la vérité. Mirabeau ne s’est pas laissé acheter par la cour, parce qu'il n'avait pas à se vendre. Ses opinions politiques n’ont pas varié pendant tout le cours de sa vie; Mirabeau, conseiller secret de la Cour, est le même que Mirabeau, député à l’Assemblée nationale. Devenu conseiller du roi, il ne trouvait rien de honteux à se faire rémunérer du temps qu’il lui consacrait et des conseils qu’il lui adressait. Il n’en gardait pas moins toute l'indépendance de ses convictions et ne sacrifiait à ceux qui le payaient ni ses opinions libérales, ni ses sentiments patriotiques. « Pour aucune somme, dit La Fayette, il n’aurait soutenu une opinion qui eût détruit la liberté ou déshonoré son esprit. »

Quand on le juge, on se laisse trop facilement prévenir par l'arrêt que, dans le procès de Louis XVI, la Convention rendit contre lui. Elle a décapité le roi, elle a déshonoré le dernier et le plus illustre conseiller du roi. Mais, pour l’apprécier en toute impartialité, il convient de se placer au point de vue de l’ancien régime. Alors, un sujet pouvait recevoir sans honte l'argent de son souverain. Sans doute, ceux qui, ne voyant dans le député provençal que le tribun, le croyaient absolument dévoué à la démagogie, ont éprouvé un mécompte dont ils se sont vengés à leur manière. Mais, si l’on pénètre dans la connaissance intime de ses idées, on ne peut, de bonne foi, l’accuser de trahison. Ceux de ses contemporains qui savaient le fond des choses, La Marck, La Fayette, Bouillé, Ferrières, Malouet, Siéyès, le duc de Lévis,