Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE-MIRABEAU. 423

Sa mauvaise réputation lui Ôta tout de suite la confiance publique. Mais ce n’était pas assez que l’Assemblée le repoussat à cause de son immoralité notoire et le suspectàt de vénalité; elle n’était encore pas à portée d'apprécier ni même de comprendre ses idées politiques. Ce que l’on demande en premier lieu à l'orateur, pour qu’il persuade, c’est le caractère. Ce titre au respect, Mirabeau ne l'avait pas. Aussi arriva-t-il le plus souvent que ses triomphes parlementaires étaient dus à son talent supérieur d'exprimer les opinions encore vagues et confuses de la majorité. Car, s’il n’est pas l’auteur de la Révolution, on ne peut contester qu’il n’en ait été du moins le magnifique organe. Mais, malgré ses succès, il n'avait pas de parti à lui. Duquel d’ailleurs aurait-il pu s’assurer l'appui? Les deux groupes extrêmes de la Constituante la dominaient entièrement; car les démagogues et les ultra-royalistes s’unissaient souvent afin de faire passer des mesures violentes qui, pour les uns, étaient le but à atteindre, et, pour les autres, un moyen problématique de provoquer une réaction : ceux-ci ignoraient encore que le peuple ne renonce pas de sitôt à ses conquêtes. Quant aux députés modérés, ils étaient sans doute intelligents et honnêtes, mais trop mous pour former une majorité compacte et forte. Pourtant les chefs ne leur auraient pas fait défaut. Ils les eussent trouvès dans Malouet et Mounier, du tiers état, ou chez les Crillon, les Clermont-Tonnerre, les La Rochefoucauld, les Montmorency, enfin, ces premiers barons de l’ancienne France qui devenaient les premiers citoyens de la France nouvelle. Tels étaient les alliés naturels de Mirabeau.

Auprès de la cour, Mirabeau était l’objet des mêmes défiances. Il n’y rencontrait d’ailleurs que légèreté, ignorance et faiblesse. La cour ne comprenait pas que Mirabeau n'était utile et puissant que par sa popularité. Elle travaillait à lui ôter cette arme. D’ailleurs, le cumul des fonctions de conseiller secret du roi et de tribun du peuple donnait à Mirabeau un double visage. Défenseur officiel de la couronne, il aurait eu plus de succès. Il aurait pu retarder la chute du trône. Toutefois on peut douter qu'il eût été assez fort pour l'empêcher. Dans les luttes politiques, il arrive toujours un moment où l’on ne saurait se borner au rôle d’arbitre, à moins de se laisser broyer entre deux forces contraires. Il faut choisir son parti. Or, en luttant contre les Jacobins, Mirabeau n'aurait sans doute pas dompté la Révolution. En tout cas, chacun s'accorde à le reconnaître, il est mort à propos pour sa gloire.

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