Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 57

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trait de la lenteur à préparer la défense et ses discussions partageraient l'opinion publique en face de l'adversaire. Elle usurperait le pouvoir exécutif en refusant au roi la part du pouvoir législatif qui lui incombe par son droit de veto. Ce serait une violation de la Constitution, un empiétement sur la prérogative royale. Ce serait enfin soustraire au roi la direction de l’armée et lui ôter les moyens de prévenir les émeutes et les complots. Pour éviter de si funestes conséquences, il faut combiner les deux pouvoirs de manière que chacun d'eux ait ses fonctions déterminées. Il appartient au roi d'entretenir les relations extérieures, de veiller à la défense de l'empire et de préparer les armements ; il avertira aussitôt l’Assemblée de la guerre qui menace ou qui éclate, de la paix qu'il traite. Le roi exerce dans ce cas une sorte d'initiative. Mais c’est au Corps législatif de ratifier où d'empêcher la paix ou la guerre que le roi propose. La sanction vient de l’Assemblée : les rapports constitutionnels sont donc renversés. Pour prévenir les abus de la puissance royale, la Constitution doit, en principe, interdire les guerres de conquête et l’Assemblée peut poursuivre les ministres qui en seraient les instigateurs ; au besoin, elle obligera le roi de négocier en lui refusant les subsides. Enfin elle se réservera la disposition de la garde nationale.

Ces rapports entre le gouvernement et le Corps législatif sont fort délicats et les circonstances peuvent y apporter des modifications dans un sens favorable à l’un ou à l’autre de ces pouvoirs. Délicats aussi sont les rapports qui s’établissent entre le gouvernement et le pouvoir judiciaire. Mirabeau, qui paraît assez conciliant dans la démarcation du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, établit des limites plus tranchées entre ces deux pouvoirs et le pouvoir judiciaire. La monarchie, jusqu’en 1789, s'était fait haïr par la pression qu’elle exerçait sur la justice et par l’abus qu’elle faisait des lettres de cachet. Aussi doit-elle être tenue à l'écart des tribunaux. Mirabeau accorde au roi le droit de grâce : c’est tout ou à peu près’. En principe, il pose que, si

1. Archives parlementaires, p. 311. Discours du 3 juillet 1789. Le Courrier de Provence conteste même ce droit (v. VIIL, p. 341). Au moment où l'Assemblée organise la justice (printemps 1790), ce journal a déjà échappé à l'inÎluence moins radicale de Mirabeau. Ce n’est que dans ses discours ou dans ses ouvrages antérieurs que se trouvent ses opinions sur ce point.

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