Étude sur les idées politiques de Mirabeau
80 F. DECRUE.
Mirabeau a passé la première partie de sa vie à réclamer, pour ses compatriotes, la liberté civile. « Qu'importe la liberté politique à qui n’a plus la liberté civile ? disait-il. N'est-ce pas celleci que toute constitution doit surtout assurer! ? » Il part, comme Rousseau, « du principe que les hommes sont nés libres et égaux?. » Plus tard, il juge cette affirmation trop hardie; mais, à la veille de la Révolution, il la soutient avec l'absolu de la jeunesse. « Les hommes, dit-il, ont tous au même titre la vie et la libertés. » Il prend la défense de toutes les propriétés humaines, avant tout, de la proprièté personnelle. L'homme ne saurait l’alièner, non plus que son voisin la lui ravir‘. « Il n’y a point de cas où il faille, même pour un moment, violer la liberté5. » Cette liberté, Mirabeau l’étend aussi aux nègres, dont il plaide la cause en toute circonstance‘. Tout est permis à l’homme, pourvu qu'il respecte la liberté de son semblable7; aucune autorité humaine n’a de pouvoir sur lui qu'autant qu’il attente aux droits d’autruis. La loi fixe les limites de sa liberté d'action; si elles sont transgressées, on passe de l’état de liberté à celui de licence. La licence est le gouvernement de quelques individus en opposition à la volonté et à l'intérêt du corps social ; la licence des grands est le despotisme ; elle est bien plus redoutable que celle des petits qui ne saurait durer°. Pour éviter ce double écueil, la loi est nécessaire ; l’homme n’a d’autre maître que la loi‘; le gouvernement est l'autorité tutélaire chargée de la faire respecter‘. Un gouvernement qui ne remplit pas ce devoir peut être renversé. Mais cette révolution doit se faire sans bouleversement®. La liberté finit toujours par terrasser le despotisme‘#, pour peu que les membres d'une société se sentent solidaires les uns des autres##, Ce devoir
. Lettres de cachet, v. I, p. 88. . Adresse aux Bataves, dans Vermorel, v. IL, p. 52. . Letires de cachet, v. I, p. 322.
4. Essai sur le despolisme, p. 32. Lettres de cachet, v. I, p. 3-25 et 70.
5. Cité par M. H. Martin. Histoire de la Révolution, v. I, p. 3.
6. Leltres de cachet, v. TX, p.54 et 63. Moniteur, Discours du 3 juillet 1789. Courrier de Provence, v. XXX, p. 3, 4 et 20. Cf. Montigny, Mémoires de Mirabeau, v. VII, livre V.
7. Lettres de cachet, v. 1, p. 336 et 337.
8. Ibid., v. I, p. 254
9. Ibid., v. I, p. 121-193.
10. Zbid., v. I, p. 362.
11. Lettres de cachet, v. I, p. 76, 219, 347 et 368.
12. Ibid., v. I, p. 269.
13. Essai sur le despotisme, p. 141.
14. Lettres de cachet, v. I, p. 335 et 346; v. IL, p. 96.
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