Études historiques et figures alsaciennes

ERCKMANN-CHATRIAN 209

comme d'un spectacle que lui donne le Créateur

de toutes choses.

« Au petit jour, quand le coq lançait son cri dans la valléé encore toute grise, ét qu’au loin, bien loin, les échos du Bichelberg lui répondaient, quand la haute grive faisait entendre sa première note dans les bois sonores; puis, quand tout se taisait de nouveau quelques secondes, que les feuilles se mettaient à frissonner, — sans que l’on ait jamais su pourquoi, et comme pour saluer, elles aussi, le père de la lumière et de la vie, — et qu'une sorte de pâleur s’étendait dans le ciel, alors Fritz s'éveillait ; ik avait entendu ces choses avant d’ouvrir les yeux, et il regardait.

« Tout était encore sombre autour de lui ; mais en bas, dans l'allée, le garcon de labour marchait d’un pas pesant ; il entrait dans la grange et ouvrait la lucarne du fenil, sur l'écurie, pour donner le fourrage aux bêtes. Les chaînes remuaient, les sabots allaient et venaient. «

« Bientôt après, la mère Orchel descendait dans la cuisine ; Fritz, tout en entendant la bonne femme allumer le feu et remuer les casseroles, écartait ses rideaux et voyait les petites fenêtres grises se découper en noir sur l'horizon pâle.

« Quelquefois un nuage, léger comme un écheveau de pourpre, indiquait que le soleil allait paraître entre les deux côtes en face.

« Maïs déjà la ferme était pleine de bruit : dans la cour, le coq, les poules, le chien, tout allait, venait, caquetait, aboyait. Dans la cuisine, les cas- : seroles tintaient ; le feu pétillait ; les portes s’ouvraient et se refermaient. Une lanterne passait

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