Études historiques et figures alsaciennes

212 FIGURES ALSACIENNES

heur de rencontrer un site pareil en pleine forêt, à : l'heure où la nature sort de son bain de rosée et se drape de soleil; où la lumière s'éparpille sur le feuillage, et plonge ses lames d’or au fond des fourrés les plus impénétrables ; où la mousse, le chèvrefeuille, toutes les plantes grimpantes fument dans l'ombre et confondent leurs parfums sous le dôme des hautes futaies ; où les mésanges bleues et vertes tourbillonnent autour des branches, à la recherche des pucerons ; où la grive, le bouvreuil et le merle descendent au ruisseau et boivent en se rengorgeant, les ailes palpitantes étendues sur l'écume des petites cascades ; où les geais pillards traversent par bandes la cime des arbres, s'appelant et se dirigeant à la file sur les cerisiers Sauvages ; à l'heure, enfin, où tout S'anime, où tout célèbre l'amour, la vie, la lumière : ceux-là seuls comprendront mon extase.

« Je m'assis sur la racine d'un vieux chêne moussu, le bâton entre les genoux, et, durant une heure, je m'abandonnai, comme un enfant, à mes rêveries.

« Tantôt étendu, le coude dans la mousse, les paupières closes, j'écoutais l'immense murmure, les bruits étranges, indéfinissables de la vie universelle…. « Tantôt j'entr'ouvrais les yeux, et je voyais audessus de moi les rameaux du chêne découpant leurs festons dans le ciel...

« Puis je refermais les yeux tout ébloui, et je revoyais tout au fond de mon âme comme dans un

miroir. »