Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

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dominantes? Un autrene pourrait-il pas me dire alors: je veux aussi que les miennes soient dominantes ; et si tous deuxnous mettions la même opiniâtreté à défendre notre manière de penser, n’en résulterait.il pas lamort de l’un de nous deux, peut-être celle de tous deux (1)? »

Quand vint la question de savoir si l’État s'emparerait des biens du clergé, les deux la Rochefoucauld, au nom de ce laïcisme officiel qui est la marque la plus essentielle de la France de 1789, ne tinrent aucun compte des avantages que leur possession assurait à un certain nombre de citoyens ayant cessé de composer un ordre spécial. « Turgot, ripostait la Rochefoucauld aux défenseurs du privilège, a dit que la nation est propriétaire des biens des corps. » Et il ajoutait aussitôt: « Il a dit aussi, par un principe collatéral, quela nation ne peut toucher à la jouissance des usufruitiers (2).» Qui cserait affirmer que, circonscrite dans ces limites, pareille prétention soit une atteinte « réelle » à la propriété? — On l’a dit alors, on l’a dit depuis; on ne le dirait plus aujourd’hui. — Les hommes d’État ont des intuitions dont les reflets ne brillent que longtemps après eux. La Rochefoucauld fut un des fondateurs de la démocratie ecclésiastique qui, après tout, est d’essence plus chrétienne qu’une aristocratie d'église. Les deux cousins eurent le courage de celte opinion extrêmement hardie pour le milieu social auquel ils appartenaient. Le duc de la Rochefoucauld fut rapporteur des mesures à prendre pour l’aliénation

(1) Monileur universel du 14 avril 4790. (2) Séance du 31 octobre 4789.