Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

LE VICOMTE DE NOAIÏLLES ‘ 5

Aussi bien les lauriers de Lafayette empêchaient Noailles de rester au repos. Les deux gentilshommes étaient beaux-frères, et depuis deux ans Lafayette, engagé volontaire à l'armée de Washington, combattant, blessé, général, remercié deux fois solennellement par le Congrès, remplissait le nouveau et l’ancien monde du bruit de ses exploits.

Donc voilà Noailles parti. Il quitte sa jeune femme sans une hésitation. « Elle réunit tout ce qui est pos” sible de vertus et d’agréments (1). » Peu importe; le mariage est affaire de famille, non affaire de sentiment; Lafayette avait 16 ans quand il épousa Mie d’Ayen; le vicomte de Noailles a épousé à 16 ans aussi la sœur aînée de Mie d’Ayen (2). Un seigneur n’est pas un joueur de guitare, il est un soldat. Un soldat pratique l'amour quand il en a le temps. Une pensée, une seule, le hante, la gloire, à laquelle, dira deux ans plus tard la pauvre abandonnée, « les hommes font de si cruels sacrifices (3)! »

Pour la conquérir. Noailles va être non seulement un brillant combattant, mais un combattant extraordinaire, une sorte de casse-cou raisonnable. S'il a passé aux États-Unis, c’est que « dans l'armée où il est employé alors, on ne peut pas se faire tuer à son aise (4) ».

(1) Notes sur mes prisons, par la duchesse pe Duras.

(2) Les deux sœurs étaient filles du duc d’Ayen, cousin germain du vicomte de Noailles.

(3) Lettre dela vicomtesse de Noailles à Mrs. Thomas-Robinson de Newport, 18 octobre 1781. (Communiquée.)

(4) Tir, Mémoires, t. I, p. 298.