Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

LE VICOMTE DE NOAILLES 45

tiendra bon pour son pays et pour la liberté; mais à cette heure où est la liberté, où sont les soldats ? — Les soldats sont aux clubs, à la municipalité; ils votent des ordres du jour contre leurs chefs. La liberté est consignée ; le roi n’a plus le droit d’opposer le veto à un décret législatif sans que son palais soit envahi par les derniers des gredins (1). Mener au feu des troupes indisciplinées (2), c’est aller à la défaite ; laisser détruire sans protester l’œuvre politique à laquelle on a travaillé deux ans, c’est faire acte de faiblesse. — Noailles donne sa démission, il émigre.

Mais il y a émigrés et émigrés ; les uns quittent la France pour marcher contre les Français, les autres pour se soustraire au meurtre. — Il y a l’'émigration à Goblentz, où l’on trouve un chef et des armes; il y a l'émigration à Londres, où l’on ne rencontre que des bannis fidèles à la liberté. — C’est dans celle-ci que gémissent sur les maux de leur patrie Talleyrand, Mathieu de Montmorency et une partie de la noblesse libérale. — Ils vivent comme ils peuvent : Talleyrand en vendant sa bibliothèque , Noailles en travaillant dans une banque ; mais du moins la France n’aura rien à leur reprocher... Ils pourront lui dire un jour, comme Gensonné, le député girondin :

(1) Envahissement des Tuileries, le 20 juin 1792, sous prétexte du veto opposé par le roi aux deux décrets relatifs aux prêtres dits perturbateurs, et à la formation d’un camp de 20.000 hommes. ‘

(2) Le général Dillon venait d’être assassiné par ses soldats, sous les propres yeux de Noailles, entre Lille et Tourcoing, au commencement de 1792.

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