Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

LE VICOMTE DE NOAILLES 47

demeurés à Paris sous la garde de M. Grelé, leur précepteur, homme au cœur d'or, rivé au devoir, un vaillant, presque un saint (1)! Ils ont traversé la Terreur. « Deux fois la semaine alors, M de Noaïlles, à une heure convenue, estmontée à un étage du Luxembourg d’où elle les a aperçus par une fenêtre, postés dans le jardin (2). » Le jour de l'assassinat de leur mère, les innocents ontété « privés de sortir » afin que leurs jeunes regards ne vissent point la charrette qui l’emportait (3). Tristes, bien tristes débuts dans la vie de toute une génération! S'il est vrai que le malheur trempe les âmes, il n’y a plus lieu de s'étonner de l'exceptionnelle vigueur des soldats du Consultat.

Noailles dirige de loin l'éducation des deux adolescents, non en père tendre, mais en Français démocrate, jaloux d’en faire de modernes Français. La tendresse est absente (je répète qu’elle n’est point le fait des temps héroïques); Noailles appelle ses garçons « mes jeunes amis » et non « mes chers enfants » ! Une de mes grand'mères, née vers la même époque, ne s’adressait jamais à son fils sans l'appeler « Monsieur ». Mais que d’intuitions de notre siècle dans les conseils donnés et dans les études prescrites!

Je voudrais qu’ils sussent le grec et le latin, non pour en

(1) J'ai appris à vous connaître, à vous estimer, à vous aimer pour votre généreuse conduite à l'égard des enfants que vous avez pris sous votre tutelle; ils ont trouvé en vous plus qu'ils ne pouvaient attendre du père le plus tendre. (Noaiïlles au citoyen Grelé, le 20 février 4797.) (Communiquée.)

(2) Vie de Mue de Montagu.

(3) Ibid., p. 162.