Gentilshommes démocrates : le vicomte de Noailles, les deux La Rochefoucauld, Clermont-Tonnerre, le comte de Castellane, le comte de Virieu

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Toutes ses espérances se ranimèrent : il ne donna cependant aucun ordre.

Ce ne fut que lorsque ces lumières se furent unies à celles de l’escadre du blocus, mouillée dans l'ouverture de la baie, que le commandement de l’appareïllage fut transmis aux bâtiments. Tous alors ouvrant au vent leurs huniers, leurs brigantines et un foc dont la couleur ne pouvait les trahir, glissèrent silencieusement dans la nuit, poussés par un vent frais, sur une mer légèrement houleuse. Ayant aisément trompé la division du siège que le rapport de son envoyé avait jetée dans une sécurité complète, les navires français se méêlèrent aux bâtiments du convoi comme le commandant leur en avait donné l’ordre; puis, ayant cinglé quelque temps de conserve avec la flotte ennemie, ils s’en détachèrent prudemment et firent voile vers l’île de Cuba, qu’ils atteignirent tous sans accident (1).

Noble exemple d’audace et de fierté qui n’a pas toujours été suivi en ce siècle! Il n’y a pas deux façons d'entendre l’honneur : Noailles savait quelle est la bonne.

Mais il ne lui suffit pas de marquer par ce premier haut fait les deux qualités maîtresses du chef : le coup d'œil et la décision. Passionné de gloire, il lui faut une action d'un éclat plus vif.

Le général Lavallette est à la Havane. Noailles embarque ses hommes sur un brik et il reprend la mer.

Il suivait depuis quelque temps les hautes falaises de l'île espagnole dont la prudence lui défendait de perdre les côtes de vue, lorsque la voix d'un gabier monté sur les barres d’un perroquet signala une voile que le capitaine

(1) Extrait des Archives de la marine française. (Documents officiels, 1803.) Bibliothèque du ministère.