Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L’EMPIRE 355

l'expérience toujours conforme des temps passés : mais ce ne sera point par des mains parfaitement pures que les pouvoirs actuels seront jetés à bas ou que de nouveaux pouvoirs seront élevés. Le crime engendre le crime et une abomination succède à une autre, jusqu’à ce que l'humanité soit ramenée à l’innocence par l'expérience de ses fautes. »

Morris a prévu la Restauration avec la même précision que l'Empire. D'abord il s'égare cependant. Il la voit relativement prochaine et terrible, croyant aux succès des monarques alliés contre la France. À la fin de mai 1703 il écrivait à Robert Morris, de sa maison de Seineport : « J'ai en tout environ vingt sept milles pour aller à Paris et Quinze environ d'ici à Fontainebleau. C’est cette dernière ville, j'imagine, qui sera le siège du gouvernement, si le parti royal l'emportait. Mais si Monsieur était régent, il pourrait résider à son palais de Choisi, à six milles environ des barrières de Paris et huit environ d'ici ?. »

Après la mort de Marie-Antoinette, il songe à la possibilité du démembrement de la France : « Cette exécution donnera, je pense, aux hostilités futures une teinte plus foncée et unira plus étroitement les puissances alliées. Elle fera taire l’opposilion de ceux qui ne voulaient pas entendre parler du démembrement de leur pays et, par suite, on peut en conclure que le coup dont elle est morte a été dirigé de loin #. » Mais remarquons qu'à la suite de ce passage se trouve celui où il-prédit, comme inévitable, le despolisme militairet. Le 30 décembre 1794, il constate d’ailleurs que le courant a changé : « Toute l’Europe est maintenant tournée vers la France, qui a récemment triomphé sur tous Les points par l’extrême maladresse de ses ennemis. Il semble à présent qu'ils reprennent leurs sens, qu'ils ont à la fin abandonné l’idée d’un démembrement et ont simplement l'intention de poursuivre le rétablissement du trône... S'ils agissent sagement et Yigoureusement dans ce sens, il me semble qu'ils doivent réussir, car les l‘rançais sont fatigués et épuisés par la lutte. Ils détestent et

ERA D MS 2 TA p. 45. 3. T. IL, p. 54. — 4. Ci-dessus, p: 34r.