Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française
& GOUVERNEUR MORRIS
qué pour son retour en Amérique et, rentré aux États-Unis, il a encore et jusqu'à sa mort (6 novembre 1816) suivi de loin, mais d’un œil attentif les destinées de notre pays. Partout. où il a porté ses pas, en Angleterre comme dans l'Europe continentale, il était accueilli avec une faveur marquée par les hommes d'État les plus en vue; les ministres en charge, les ambassadeurs les plus influents, le consultaient volontiers et le renseignaient en même temps. Il a su recueillir partout des informations abondantes et sûres et, très souvent, ses prédictions se réalisaient. Il avait même une réputation faite à cet égard. Voici le compliment que lui adressait le 2 juillet 1590 M. de la Luzerne, ambassadeur de France à Londres : « Vous dites toujours des choses extraordinaires qui se réalisent !, » Dans les salons on s’amusait à lui faire ainsi prédire l'avenir ?.
Ce n’est point, bien entendu, qu'il soit ou se prétende inlaillible. Il a commis parfois des erreurs graves, dont nous aurons l’occasion de signaler plusieurs. Voici, par exemple ce qu'il écrit sur son journal le 22 mai 1791: « Le royaume de Pologne s’est donné une nouvelle Constitution qui, je le pense, changera la face politique de l’Europe, en tirant ce royaume de l'anarchie pour l’élever à la puissance. Les traits caractéristiques qui marquent le changement sont : une monarchie héréditaire, l’affranchissement des paysans, et une part du gouvernement accordée aux villes. Ce sont les grands moyens de détruire une aristocratie pernicieuse?. » On voit qu'il juge parfois un peu vite et par élan d'esprit; mais, dès que la réalité se manifeste à lui, quelle qu'ait été son idée antérieure, c'est la réalité qu'il saisit et à laquelle ils’attache ; et combien nous aurons à constater, dans son journal et dans ses lettres, de prévisions étonnantes et vraiment scientifiques !
On conçoit maintenant que nous nous mettions, dans
1. Diary and letters of Gouverneur Morris, New-York, 1888, t. I, p. 336.
2. T. IL, p. 43 (fin de 1793): « Je me rappelle qu'il y a un an (ou même dix-huit mois) dans une nombreuse société, on me demanda de tirer l’horoscope de la France ; ce à quoi je répondis que cela pouvait se faire en trois mots & guerre, famine, peste ».
2, DT p.25.