Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

98 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

(entre autres à Caen), reçues à Paris dans les premiers jours de novembre, changèrent les dispositions d’abord modérées de la majorité.

Le décret du 29 novembre 1791, rendu sur la proposition de F. de Neufchâteau, marque le premier pas dans la voie des rigueurs. En vertu de ses dispositions, les ecclésiastiques, réfractaires au décret du 29 novembre 1790, devaient prêter le serment civique, dans le délai de huit jours, sous peine d’être privés de tout salaire, et, s'ils persistaient, d'être traités en suspects de révolte contre la loi. Le directoire du département de Paris adressa au Roi une pétition contre ce décret, comme manquant à la bonne foi publique et attentant d’une manière flagrante à la liberté des citoyens. Louis XVI, soutenu par cet arrêté et par de nombreuses pétitions, mit son veto à ce décret, mais il aurait dû, en même temps, rappeler le clergé des provinces de l’ouest au respect de la loi. Le clergé d'Angers, en particulier, organisait secrètement la guerre civile et écrivait au Roi pour l’encourager dans sa résistance aux vœux de la majorité '. Aussi, en 1792, les directoires de plus de quarante départements de l’ouest prirent sur eux, afin de maintenir l’ordre, d'exécuter le décret du 29 novembre, malgré le veto du Roi’. De la sorte, par suite de la violence des catholiques, chez qui les intérêts politiques et religieux étaient étroitement mêlés, et de la position fausse prise par l’Assemblée législative vis-à-vis de l'Église, on se trouva en pleine anarchie et à la veille d’une guerre de religion. C'est ce qu'avouait, à la séance du 6 février 1792, le ministre de l’intérieur, Cahier-Gerville, qui avait été chargé de faire une enquête.

Et le ministre concluait, comme Chénier, à la séparation de l'État et des Églises : « Il n’y a point en France de religion « nationale. Chaque citoyen doit jouir librement du droit

1. V.C. Porr. La Vendée angevine. Lettre du clergé d'Anjou à Louis XVI, février 1792.

2. Les directoires de la Loire-Inférieure, de Maine-et-Loire et de la Sarthe et la municipalité de Paris se signalèrent par leur intolérance.