Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DE L'ÉDIT DE TOLÉRANCE JUSQU'A LA CHUTE DE NAPOLÉON 100

fructidor et du 7 vendémiaire. Aussi fut-elle combattue à l'assemblée des Cinq-Gents par Pastoret et à celle des Anciens par Portalis, au nom de la liberté et finalement repoussée.

Malgré cela, le ministre de la Justice, Merlin (de Douai), expédia dans les départements des instructions pour faire appliquer rigoureusement aux prêtres les décrets de brumaire. La question fut reprise au conseil des Cinq-Gents, à propos de la discussion d’un rapport sur la police des cultes, qui avait été confié à Camille Jordan (séance du 17 juin 1797). L'éloquent député de Lyon avait alors 26 ans ; il joignait à d’ardentes convictions catholiques un goût très ferme de la liberté. Après avoir dit que le temps de tous les genres de fanatisme était passé, il fit la critique de la Constitution civile, qui érigeait un culte particulier en religion d'État, les lois de 1793 qui ne « respiraient que la haine d’un culte en parlant de la liberté de tous », et déclara qu'il fallait apphiquer équitablement le principe de la liberté des cultes, inscrit dans la Constitution de l'an LT, « car, disait-il, le peuple se nourrit d'idées religieuses et il est dangereux de vouloir le sevrer de cette nourriture de l’âme ». Il concluait en proposant: 1° la suppression du serment comme violant la liberté des consciences ; 2° le retrait de la promesse exigée de tout prêtre de se soumettre aux lois de la République; 3° de permettre d’user de toutes les marques extérieures d’un culte, par exemple: la sonnerie des cloches; 4° d'établir des lieux de sépulture séparés, pour les adeptes des différents cultes, — « Par là, disaitil, vous réaliserez le vœu antique de la « philosophie; vous donnerez au monde le spectacle d’un « grand empire, où tous les cultes peuvent être exercés avec « une égale protection, et inspirer l'affection pour les hommes « et le respect des lois. »

Rien de plus juste que la plupart de ces réclamations, rien de plus conforme à l'idéal moderne de la liberté des cultes. Mais au point de vue politique, n’était-ce pas pousser la générosité jusqu'à la duperie que d'accorder pleine et entière