Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

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du néant » et annonce un projet de fête.à l’Éternel. Un mois après, Je 7 mai 1794, Robespierre lui-même prononce un grand et habile discours contre les prêtres et pour Dieu, et le 8 du fois suivant a lieu l’acte décisif. La Convention « proclame l'Étre suprème, l’immortalité de l’âme, place la religion dans la pratique des devoirs et institue des fêtes pour relever les âmes ».

Ce culte à l’Étre suprème, imaginé par Robespierre et inauguré par lui le 10 juin 1794, dans une fête fameuse où il figura en pontife et qui hâta certainement sa chute, ce culte, dis-je, ne pouvait durer ; il manquait à ceux qui l’avaient fondé deux choses : la foi et le désintéressement ! le but pour lequel ils l'avaient établi était plus politique que religieux. Le discours de Robespierre est instructif à cet égard. La religion y est présentée comme utile, recommandée pour l'avantage qu'y trouve le législateur. Robespierre ignorait qu’en religion l’utilitarisme est un faible levier et que la seule force qui puisse, dans ce domaine,

fonder quelque chose de fécond, de durable, c’est la conviction | naïve, spontanée ei désintéressée. D'ailleurs, deux mois à peine après l’inauguration de son culte, le 27 juillet 1794, Robespierre lui-même tombait sous la coalition des hommes qu'’effrayaient son zèle sanguinaire et son autorité sans bornes, et avec lui disparaissait le culte qu’il avait fondé. Ce culte avait duré deux mois et s'était borné, ou à peu près, à quelques fêtes officielles.

Le culte à l'Être suprême peut être regardé comme le prélude dela Théophilanthropie; celle-ci vint reprendre l’œuvre brusquement interrompue par la mort de Robespierre et recommencer la tentative de fonder un culte national, qui plaçât l’homme à égale distance de la superstition catholique et de l’athéisme, qui l’affranchît du joug des prêtres, sans l’abandonner toutefois à ses appétits et à ses passions. Cette fois, il faut convenir que la tentative était plus sérieuse et présentait des chances réelles de succès. Le catholicisme était mort ou semblait l'être; les classes éclairées, émancipées par la philosophie du dix-huitième siècle, élevées à l’école de Voltaire, de Rousseau, de Condorcet, de Diderot, semblaient s’être détachées de lui à jamais ; défendu par un petit nombre de révolutionnaires consciencieuse-