Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

DE LA THEOPHILANTHROPIE. 53

went attachés aux vieux dogmes, comme Grégoire, Durand MailJane, on pouvait croire qu'il ne se releverait plus, et de fait, il ne demandait alors, et avec quelle timidité encore! que le droit d'exister. Ce droit, la législation en vigueur le lui reconnaissait sans doute, mais elle le reconnaissait également aux autres cultes, en sorte que l’ancienne Église ne pouvant invoquer désormais à son profit aucun privilége, allait avoir à se défendre, par la seule force de la persuasion et de la vérité, contre les attaques des autres Égliseset contre celles non moins redoutablesde la philosophie.

Pour la première fois, le champ était ouvert à une lutte égale entre l'esprit moderne et l'esprit du passé.

. On ne pouvait reprocher à la Théophilanthropie ce qu'on reprochait au culte de l'Être suprême, d’être une religion officielle, imposée par la volonté d’un homme dont les désirs étaient des lois, et qui, non content de gouverner l’État, prétendait encore, nouveau Louis XIV, gouverner les consciences. La Théophilanthropie se présentait elle-même comme une association libre, qui procédait de la foi et ne faisait appel qu’à la foi. On prétendait bien qu'elle avait les faveurs du pouvoir et qu’elle était soutenue par les fonds de l’État, et ce bruit, accrédité par la malveillance, ne laissa pas, nous l’avons vu, que de nuire à l’association ; mais, quoi qu’on pût dire, il y avait toujours une grande différence entre un culte décrété par la Convention, solennellement inauguré par Robespierre, et une société fondée par des hommes “obseurs, n'ayant pas de caractère officiel, quand même il eût été vrai que le gouvernement voyait de bon œil cette société et qu'un des membres du Directoire la soutenait secrètement. De plus, si les Théophilanthropes considéraient, eux aussi, la religion comme le fondement de l’ordre social, si le sentiment de la nécessité de l'institution religieuse pour la prospérité de l'Éfat perce dans leurs écrits, leurs manifestes, ce sentiment n’est pourtant pas leur principal mobile; ils sont vraiment religieux, croyants à leur manière, et l’on ne saurait, sans injustice, mettre en doute la sincérité de la foi et l’ardeur du zèle qui les faisaient agir.