Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

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de plaisir, de folke joie, de la contrainte qu’on avait subie, des terreurs qu’on avait ressenties. Longtemps on avait vécu avec la pensée de la mort; maintenant on pouvait compier sur le lendemain, faire des projets, s’abandonner à l’espérance! l'avenir était incertain sans doute; mais quoi! pouvait-il être aussi triste que le passé? Le gouvernement était bienveillant: il est vrai que pressé entre deux factions rivales, les Jacobins et les royalistes, il était parlois tenté de faire de l’intimidation, de la violence et de revenir aux procédés révolutionnaires, mais décidément ces procédés étaient usés; la terreur en permanence n’était plus possible ; on le savait, on le sentait : de là cette ivresse de joie dont on était saisi. A Paris, pendant quelque temps, la vie fut comme une fête. Madame Tallien, Notre-Dame de Thermidor, y présidait. Belle, bonne, bienveillante à tous sans acception de parti, elle donnait le ton à cette société frivole et enfiévrée de plaisir. Mercier a bien saisi ce caractère de l’époque : « Quelques églises, écrit-il dans son tableau de Paris, sont remplies, aux fêtes de Pâques, de Pentecôte, mais les tavernes le sont encore davantage. Les Tivoli, les bosquets de Paphos entrainent la foule. » En effet, après cette suspension de la vie qui avait duré quelques années seulement (mais quelles années. des siècles !), les esprits étaient aux affaires, les cœurs aux plaisirs. Était-ce un moment propice pour un grand mouvement religieux? Au premier siècle de notre ère, il y avait satiété et dégoùt des plaisirs, aspiration ardente vers quelque chose de supra-humain de la part d'une société qui avait savouré, épuisé toutes les jouissances de la terre. Au seizième siècle, il yavait une préoccupation générale, ardente, de vérité, de salut; les âmes étaient tournées d’elles-mêmes vers les plus hautes questions, les plus saints intérêts; c’est pour cela que la parole des réformateurs, des apôtres éveilla tant d’écho, qu’elle ébranla les multitudes, qu’elle fonda de grandes et durables institutions. Cette disposition sérieuse des âmes faisait absolument défaut sous le Directoire.

(1} Mercier, Le nouveau Paris.