Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

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DE LA THÉOPHILANTHROPIE. 57

Ce qui faisait également défaut, c'était la foi; par où nous n’entendons pas une croyance, une conviction déterminée, mais plutôt une disposition intime des âmes à se rattacher à un ordre supérieur, divin, à se dévouer, à croire à la: vérité, à la chercher et à la réaliser dans une institution. Les âmes n'étaient rien moins que croyantes. En général, sous le Directoire et à la fin du dernier siècle, les classes élevées et éclairées de la société en France, se partageaient entre un athéisme décidé et un déisme vague, froid, sans prise sur les âmes. L'Institut fondé par la Convention était athée; on ne pouvait, sans y soulever des protestations très-vives, y professer hautement la simple croyance en Dieu. Même chez ceux qui ne faisaient pas profession d’athéisme, il y avait une répugnance, une hostilité très-vive visà-vis de toutes les institutions ecclésiastiques, qu'on aceusait indistinctement de propager l'esprit sectaire, intolérant, d’être les appuis du despotisme politique et une des sources les plus fé condes des maux du passé. Ces préventions à l'endroit de toute Église étaient profondes; elles étaient répandues dans la magistrature comme dans l’armée et dans les corps savants. Lorsque, quelques années plus tard, Napoléon voulut rétablir le culte et donner aux Églises chrétiennes une position officielle dans l'État, il rencontra une certaine opposition, même de la part de ses généraux, et il s’en trouva pour blâmer et railler « les capucinades du premier consul ».

Sans doute, la rapidité, la facilité avec laquelle les autels se relevèrent dans toute la France, peuvent faire illusion de loin; mais quand on étudie de près celle époque, on sait que la politique eut autant et plus de part que la foi dans cette restauration du catholicisme, et que, sous les hommages officiels solennellement rendus aux cultes reconnus, la raillerie et le dédain prenaient à peine le soin de se cacher.

Ce n’était pas seulement, nous l’avons dit, la foi dogmatique qui manquait à cette époque; c'était la foi, au sens moral du mot. 1789, c’est l’époque de la foi, de la confiance héroïque et naïve, de l'illusion enthousiaste et généreuse! Alors la France s'élance dans la carrière qui lui est ouverte; elle croit à tout : à

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