Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

58 HISTOIRE :

ja royauté, à la bourgeoisie, au peuple ; elle croit à la vérité, à l'humanité! Elle ne doute pas qu’elle ne puisse régénérer le monde et établir une société heureuse désormais sur des bases nouvelles, celles de la justice. De là, la puissance de la révolution !

Mais bientôt l'expérience vient. La révolution rencontre sur son chemin d'opiniâtres résistances, des trahisons ; elle doit soutenir des luttes sanglantes, fratricides. D'ailleurs elle ne donne pas tout ce qu’elle promettait, tout ce qu’on en attendait du moins : peu à peu la foi s’en va. Les derniérs hommes de foi, les Romme, les Soubrany, les Goujon, les Bourbotte sont morts, morts héroïquement, de leur propre main ou sur l'échafaud, et ils ont emporté avec eux, dans la tombe, l’âme de la révolution ; avec les Tallien, les Barras, c’est une ère nouvelle qui s’ouvre ; c’est un esprit nouveau, désabusé, sceptique; c’est une nouvelle génération d'hommes qui apparaît, pour qui les grands mots de patrie, de liberté, d'humanité, de justice, noms sacrés qui avaient électrisé les pères, ne sont plus que des mois!

Qu'on ne s’y trompe pas! ce désenchantement, ce scepticisme, succédant à l'enthousiasme des premiers jours de la ré-" volution, dure encore; c’est lui qui paralyse la France, et qui l'arrête dans la voie du progrès religieux. Car, pour fonder une nouvelle Église, il faut autant de courage et de foi, plus peut-être. que pour fonder un ordre politique et social nouveau. Une révolution religieuse est plus laborieuse cent fois qu'une révolution politique. Déplacer un trône, c’est peu. déplacer les autels est plus difficile! La main tremble aux plus intrépides ! 11 y faut plus de foi que n’en avait la France sous le Directoire. Ce n’était pas, après cette expérience politique si malheureuse, si douloureuse, qu'on pouvait avoir le courage d’en entreprendre une autre plus difficile encore. Les âmes étaient affaissées et plus portées à revenir en arrière et à se réfugier dans le passé, qu’à tenter des voies inconnues. C'est cette disposition morale bien manifeste qui fit, dans l'ordre politique, le succès de la restauration maonr