Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

HISTOIRE DE LA THEOPHILANTHROPIE. gù d’attachement au bien, de sacrifice héroïque à Dieu et à la conscience, en un mot, un certain idéal transmis depuis des siècles, de génération en génération. C’est cet idéal moral, c’est cette tradition de vertu, tradition qui ne saurait s’improviser ni se remplacer, qui importe le plus à l’Église, parce que c’est elle, au fond, qui la constitue. Les croyances, les pratiques peuvent se modifier et se modifient souvent, sans que la vie même de l’Église en reçoive une atteinte sérieuse; supprimez un moment par la pensée la tradition morale d’une Église, c’est la vie même de l'Église qui s’en va. Il suit de là qu’une constitution religieuse ne saurait absolument se passer de tradition.

Mais ici une objection se présente : Le progrès, dira-t-on, ne consiste-t-il pas à s'affranchir de la tradition ? Oui, certes! mais s'affranchir de la tradition n’est pasla supprimer. C’est seulement cesser d’avoir pour elle un respect aveugle et une foi superstitieuse. C’est l’accepter seulement, si je puis dire ainsi, sous bénéfice d'inventaire ; c’est la réviser sans cesse, pour la purifier des erreurs, des superstitions, des fables, des légendes que le flot puissant de la tradition roule et entraine pêle-mêle avec la vérité. Voilà ce que c’est que s'affranchir de la tradition! et de même progresser, c’est recueillir pieusement tout ce que le passé lègue au présent de vérités, de leçons, d'exemples salutaires, en profiter et y ajouter. Ainsi seulement l'humanité s’avance d’une marche lente, sans doute, mais régulière et sûre, dans la voie du progrès; ainsi les travaux, les épreuves, les expériences du passé profitent au présent; ainsi, l’œuvre des pères n’est pas perpétuellement à reprendre par les enfants ; ainsi enfin, tout se développe harmoniquement dans l'humanité, la religion avec tout le reste.

C’estla pensée qu'exprimait naguère un historien éminent (1). « La religion, écrivait-il, doit être à la fois naturelle et bistorique; naturelle, c’est-à-dire qu’elle doit reposer sur les sentiments et les besoins naturels de l’homme; historique, en ce sens qu’elle doit se développer et progresser avec l’humanité. »

L'histoire des grandes révolutions religieuses qui semble, au

(4) M. Henri Martin, le Protestant libéral.