Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands

96 HISTOIRE premier abord, infirmer cette vérité, la confirme au contraire. Croit-on, par exemple, que la réforme ait rompu entièrement avec les institutions du passé, elle qui prétendait, au contraire, revenir au passé chrétien en renouant la chaîne brisée des traditions apostoliques ? Mais Luther et Calvin étaient si loin de faire abstraction du passé dans leurs plans de réformation, qu’ils se flattèrent longtemps d'accomplir la réforme dans l’Église romaine et qu'ils ne comprirent qu’assez tard et n’acceptèrent qu’à regret la nécessité d’en sortir. Aussi bien le protestantisme ne se conçoit pas sans le catholicisme ; sans doute dans l’état de lutte où sont les deux Eglises, nous ne voyons guère en chacune d’elles que la négation, la contradiction de l’autre; mais un coup d'œil plus exercé, un regard plus profond nous feraient voir dans le protestantisme le prolongement du catholicisme, le développement et l’éclosion de germes que contenait sans doute le catholicisme, et que le pâle et triste soleil du moyen âge n’avait pu faire éclore.

Il en est de même du christianisme. Certes, c’est une religion originale que celle-là! Cela n'empêche pas qu’elle n’ait, elle aussi, ses racines dans le passé. Le judaïsme est le point de départ du christianisme ; la loi nouvelle n’est, en un sens, que le développement, le prolongement de la loi ancienne; le christianisme prend l’humanité à ce point de développement religieux où le judaïsme l'avait conduite, pour la mener beaucoup plus loin. Jésus avait une parfaite conscience des rapports de la religion qu’il fondait, avec le judaïsme, quand il disait : « (1) Je ne suis pas venu pour abolir la loi, mais pour l’accomplir. » Que s’il a dit aussi qu’on ne « mettait pas du vin nouveau dans de vieux vaisseaux (?),» cela ne prouve pas autre chose, sinon qu’il pressentait le refus du vieux judaïsme de se développer, de se transformer, et la nécessité par conséquent, pour l’idée nouvelle, si elle voulait prendre un libre essor, de briser les liens qui l’attachaïent au judaïsme.

Certes, ce n’est pas Jésus, Jésus qui avait étudié si profondément les Écritures saintes de son peuple, qui en connaissait si bien les

(1) Matthieu, ch. v, v. 17. (2) Matthieu, ch. 1x, v. 17.