Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

242 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

toutes les parties de l'empire. Cet état de choses ne saurait durer, il faut que la liberté se réveille une seconde fois et que ce second réveil frappe des coups peut-être plus cruels que les premiers. Nous sommes menacés d'une guerre prochaine et inévitable. »

Le jeune homme ne cesse d'exprimer à son père les craintes qui le hantent et le désespoir dont il est saisi en voyant tant de belles espérances sur le point de s'évanouir; la conduite des Parisiens l’indigne et le révolte :

« Non, les Parisiens ne sont plus les mêmes, ils sont totalement abâtardis. Je le dis avec peine, mais cela n'en est pas moins vrai. Ge ne sont plus ces hommes de 89 persuadés que l’étendard de la liberté est celui de la victoire; combien leur civisme est refroidi! L'égoïsme seul occupe leurs cœurs! Tu penses que je te répète ce que j'ai entendu dire à des malveillants; je ne juge point du tout des Parisiens d’après les propos que j'entends tous les jours dans leurs groupes, mais d'après l'opinion qui se manifeste ici de tous côtés et par cent manières.

« Je te le dis de nouveau, les vrais patriotes n'espèrent plus qu’en l'Assemblée et dans les départements; ils regardent la contre-révolution presque achevée dans Paris et le nombre de ceux qui suivent les vrais principes y diminue de jour en jour. Le club des Feuillants renaît et recommence à rivaliser fièrement avec celui des Jacobins. C'est un composé immonde de tous