Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

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L'opinion d'Edmond sur les Parisiens devient chaque jour plus défavorable; soit trahison, soit faiblesse, il les voit irrémédiablement vendus à la Cour et il en ressent pour eux un dégoût invincible :

Le 5 février 1792.

« Papa, toutes les fois que je veux arrêter ma pensée sur les circonstances atterrantes où nous nous trouvons, mon cœur s'oppresse et mon esprit assombri se plonge dans un abime de réflexions aussi amères que décourageantes.

« © liberté! combien les Parisiens te méconnaissent, combien l'opinion publique s’altère et se corrompt parmi eux! et avec quelle rapidité ils se précipitent vers l’abîime de la servitude!

« O erreur fatale! des traitres sont parvenus à persuader à ce peuple trop crédule, trop confiant, qu'un Roi qui dès sa plus tendre enfance huma le suc vénéneux du despotisme était tout d'un coup converti au patriotisme. De là la source des dangers incalculables qui assaillissent notre liberté naissante. On a accumulé entre ses mains des sommes immenses, trésors corrupteurs, on l’a environné d'un monde de satellites, on lui a donné une force colossale.…., qu'arrive-t-il? Il se fait peu à peu de nombreux partisans, il s'attache surtout à corrompre l'opinion publique. Il réveille déjà les anciens préjugés, il entretient la dépravation des mœurs, il étouffe le germe des vertus nouvelles et