Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 245

bientôt de la force irrésistible des choses, il parviendra à envahir la liberté nationale.

« Les Parisiens ont eux-mêmes l'air de vouloir accélérer ce funeste moment. Entendez-les dans les groupes du Palais-Royal et des Tuileries, voyez-les aux spectacles, ils courent à un esclavage inévitable. L'Assemblée nationale, de son côté, enferme dans son sein une minorité effrayante de traîtres et de Tâches : les délits multipliés des ministres, les coups réitérés qu'ils portent au patriotisme, leur insolente audace y sont impunis. Que dis-je? y sont défendus avec la dernière impudeur. Les patriotes y sont sans cesse aux prises avec la mauvaise foi, la duplicité, la bassesse et le ministérialisme le plus odieux et le plus virulent.

« Qui eût pensé que ce peuple méconnaitrait ses vrais amis, jusqu'au point de se méfier de l’inestimable Pétion; et prodiguerait sa confiance et ses applaudissements à ces êtres perfides qui, profitant de son aveuglement ou de sa torpeur, abusent des mots sacrés de Loi et de Constitution d'une manière assez exécrable pour le conduire aux pieds d'un roi, aux pieds d’un traître, d'un parjure, vrai tigre déguisé en cochon. . © La garde nationale, surtout, a extraordinairement dégénéré, ce ne sont plus ces citoyens qui trouvaient dans la bienveillance de leurs frères indigents la récompense la plus douce de leurs fatigues, le charme de leurs peines et de leurs travaux. Ce sont de vrais sbires animés de cet esprit de corps si fatal à la li-

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