L'Affaire Naundorff : le rapport de M. Boissy d'Anglas, sénateur

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30 CONSIDÉRATIONS HISTORIQUES

fant dont il allait fairel’ouverture était celui du fils de

naître, il s'écria en le voyant: « C'est le Dauphin ; ah! quil est ressemblant ! » et il répéta les propos de Jeanroi : « Les ombres de la mort n'avaient point altéré la beauté de ses traits. » Il ajouta qu'il ne l’avait vu que bien peu, qu'il était mourant, insensible à tout, excepté aux soins qu'on lui rendait, dont il était encore touché.

Il m'était impossible de former le plus léger doute sur le témoignage de deux personnes aussi recommandables. Il ne me restait plus qu'à pleurer la mort de mon cher petit prince, Je le fis encore avec plus de certitude, lorsque le hasard me fournit une dernière preuve, qu'on pourrait regarder comme irrécusable, même avant le témoignage de Pelletan.

Madame nous offrit un jour de nous mener dans l’appartement du roi; elle y entra, suivie de Pauline, avec un saint respect. La perte du jeune roi était encore si récente, que je ne me sentis pas le courage de revoir un lieu où il avaittant souffert, et je priai Madame de me permettre de ne l’y pas accompagner. J'entrai dans les appartements de la petite tour, et je fus bien aise de ne pas avoir eu la même faiblesse. Après avoir revu les lieux que Pauline et moi nous avions quittés avec tant de regrets, Madame nous mena à la bibliothèque, et nous y passâmes l'après-midi. Elle se mit à causer avec Pauline et me dit : « Si vous aviez la curiosité de feuilleter le registre qui est sur cette table, vous y verriez le compte rendu ‘par les commissaires depuis notre entrée au Temple. » Je ne me fis pas prier et je me mis sur-le-champ à feuilleter et à examiner ce registre. J'y vis, jour par jour, les comptes rendus à la Convention sur les augustes prisonniers. Ils ne me confirmérent que trop qu'on ne pouvait raisonnablement conserver le plus léger espoir sur la vie du jeune roi. Comme je craignais que le temps me manquäât, je m'attachai d'abord à examiner ce qui regardait notre jeune roi. J'y vis tous les progrès de sa maladie, les détails de ses derniers moments, et même ceux qui concernaient sa sépulture. [Suivent les reproches de Gomin au sujet de cette imprudence.}