La correspondance de Marat
452 LA CORRESPONDANCE DE MARAT
- point capital, c’est que toutes les lois soient consenties par le
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peuple, après un examen réfléchi, et surtout après avoir pris le temps de voir Le jeu, ce qui suppose l'esprit national déjà mür et l'opinion publique formée sur tous les points fondamentaux. Les décrets de l’Assemblée nationale ne peuvent donc être que provisoires jusqu'à ce que la nation les ait sanctionnés; car le droit de les sanctionner lui appartient exclusivement. Sans l'exercice de ce droit essentiel, inaliénable, incommunicable, elle se soumettrait aveuglément à des lois arbitraires, ce qui serait le comble de la stupidité:; et ses mandataires, usant à leur gré du pouvoir de lui commander, se trouveraient investis de l'autorité suprême, deviendraient les arbitres de son sort et resteraient enfin les maîtres absolus de l’État. Ce point où nos rois n'étaient point encore arrivés après quinze siècles d’usurpations sur les droits du peuple, était l'objet de leurs vœux et de leurs efforts, le terme de leurs espérances et de leurs désirs : mais ils le cachaient avec soin. Et l’Assemblée nationale, cet embryon d’un jour que le
. peuple’ n’a point créé, cet enfant posthume du despo-
tisme, ce corps indignement composé, où se trouvent tant d’ennemis de la révolution et si peu d'amis de la patrie; ce corps illégitime que la nation a plutôt toléré que conStitué, aurait l’impudence de l'avouer, le front de l'afficher! Une pareille prétention serait le comble de l’audace, si elle n’était le comble du délire. Nous pourrions leur dire : Petits intrigants, qui ne siégez dans le sénat que par l'intrigue, la-cabale, les menées, la séduction, ou le choix de quelques ordres privilégiés qui ont disparu, cessez de vouloir nous enchaïner. Ce fut le premier de vos attentats que d'attribuer au roi le veto suspensif; au peuple seul appartient le veto absolu. Il le reprendra avec empressement et passera l’éponge sur vos-actes d’infidélité. Déjà vous touchez au terme de votre existence politique ; bientôt vous irez vous perdre dans la foule, vous serez jugés par
vos œuvres, la nation les pèsera dans sa sagesse, et de cette