La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 153

foule de décrets dont vous vous efforcez de faire des lois irrévocables, elle ne prendra que ceux qui peuvent convenir au bien général; elle repousse avec dédain tous ces décrets inconsidérés surpris à votre ignorance ; avec horreur, tous ces décrets funestes obtenus de votre vénalité; et vos noms inscrits dans les annales de la révolution n'y seront conservés que pour vous couvrir de ridicule ou d’opprobre.

Croyez, cher frère d'armes, que rien n'importe plus au triomphe de la liberté, au bonheur de la nation, que d'éclairer les citoyens sur leurs droits et de former l'esprit publie. C’est à quoi je vous engage à travailler sans relâche, en consignant dans nos feuilles une suite de morceaux choisis sur la Constitution; vrai moyen d'apprécier à leur juste valeur les travaux de nos représentants.

Je vais ouvrir la carrière :

Supplique aux pères conscrits, ou très sérieuses réclamations de ceux qui n'ont rien contre ceux qui ont tout.

Pères conscerits,

La nation est composée de 25 millions d'hommes, nous en formons à nous seuls plus des deux tiers, et nous ne sommes comptés pour rien dans l’État, ou, s’il est question de nous dans vos sublimes décrets, c’est pour être humiliés, vexés et opprimés.

Sous l’ancien régime, un pareil abandon, un pareil traitement de votre part nous aurait paru peu étrange; nous vivions sous des maitres pour lesquels la nation tout entière était dans leur cœur; nous n’élions rien à, leurs yeux, et ils ne daignaient se souvenir de nous que pour nous arracher le fruit de nos labeurs ou nous attacher à leurs chars.

Ces temps ne sont plus : mais qu'y avons-nous gagné?