La correspondance de Marat
LA CORRESPONDANCE DE MARAT 155:
des satellites du despote, nous ne savons à qui porter nos plaintes et demander justice. Nos commissaires de sections, nos juges de paix, nos officiers municipaux, ne sont sous de nouvelles dénominations que nos anciens commissaires de quartier, nos anciens robins, nos anciens officiers rOYAUX ; dans notre nouvelle administration se retrouvent la plupart des personnages qui formaient l’ancienne, ou d'autres intrigants, d’autres ambitieux, d’autres fripons valant moins encore, tous suppôts de l’ancien régime qui nous rançonnent, nous pillent, nous vexent, nous oppriment à leur gré, qui violent nos asiles en plein jour et qui nous enlèvent arbitrairement de nos foyers au sein de la nuit. Nos tribunaux de police et nos tribunaux de district sont tout aussi mal composés que nos anciens présidiaux, nos anciens châtelets. Que vous dirai-je? Nous avions autrefois cinq cent mille tyranneaux, nous avons aujourd'hui un million d’oppresseurs; pères conscrits, vous nous livrez sans défense entre leurs mains; et au peu de soin que vous avez pris de notre sûreté, de notre repos, nous voyons bien au travers de vos fausses maximes de liberté, de vos grands mots d'égalité de rangs et de conditions, que nous ne sommes toujours que de la canaille à vos yeux.
Enfin, quant à la liberté domestique, comme elle ne peut exister pour qui ne possède rien, le sort qui nous attend est une servitude éternelle : ainsi toute la journée cloués sur notre ouvrage, manœuvres ou valets, nous ne pouvons qu'être aux ordres d'un maître dur et impérieux.
Vous le savez, ce bien inappréciable de la liberté, dont vous allez jouir, n’est pas fait pour nous : à cet égard nous sommes donc aussi étrangers à la révolution que si nous n’étions pas membres de l'État. |
Vous avez stipulé sur les propriétés que vous avez mises sous la sauvegarde des lois : mais combien ces règlements ont peu de prix pour l’homme qui n’a point d'intérêts à traiter, point d'intérêts à défendre! la propriété elle-même, qu'est-elle pour l’indigent?