La correspondance de Marat

156 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

Vous avez détruit les privilèges héréditaires, vous avez mis plus d'égalité dans l’état civil des premières classes de citoyens, plus de proportions dans la répartition des impôts. Ces formes, toutes à votre avantage, nous sont encore étrangères. Après avoir mieux proportionné les impôts aux fortunes, vous les avez laissés peser sur le pauvre : le pain quil mange, le vin qu'il boit, l'étoffe dont il se couvre, sont assujettis à des droits onéreux. Comment n'avez-vous pas senti qu'il était juste d’en exempter ceux qui ne possèdent rien? Comment n’avez-vous pas senti que l'impôt doit même se changer en rétribution pour celui que son indigence met au-dessous des besoins physiques ‘?

Loin de venir à notre secours, vous nous avez dépouillés barbarement. Les biens de l’Église étaient le patrimoine des pauvres; vous le leur avez enlevé pour payer les folies du gouvernement, les dilapidations des ministres, les rapines des administrateurs, le faste scandaleux de la cour, les prodigalités, les profusions, les friponneries, les brigandages des vampires de l'État. Vous avez prétendu réformer les abus du clergé; et toutefois, de ces biens qui nous appartiennent, les crossés et'les mitrés ont retenu une portion énorme, dont ils sont dispensés de nous faire la moindre part et qu'ils possèdent en propre, à titre de traitement, pour se procurer les douceurs de la vie auxquelles ils sont accoutumés. Mais ce qui est pire encore, vous leur avez laissé pour retraite ces traitements énormes, au cas qu'ils vinssent à se dégoûter des fonctions de leur saint ministère. À la lecture de nos décrets sur les bénéficiers, les érèques et archevèques, portant dans tel ou tel cas totalité du traitement, plus ou moins le quart, le tiers ou la moitié, on nous prendrait pour des rabbins réglant des comptes d'usure.

Enfin, de ces biens de l’Église enlevés aux pauvres sous

1. Ce sont les raisons qu'a fait valoir M. Chapelier pour motiver le décret. (Note de Marat)