La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 157

prétexte de payer les dettes de l'État, on vient de nous arracher quinze millions pour tous les faméliques du royaume; à gagner laborieusement dans des ateliers de charité, c’est environ trente-cinq sous par tête, une fois payés; tandis que vous avez assigné de votre chef dix-neuf millions pour achever le paiement des dettes d’un mauvais sujet né près du trône, d'un dissipateur scandaleux dont les sales débauches sont les moindres méfaits, d’un ennemi de la patrie qui a fini par devenir un affreux conspirateur ‘.

Qu’en conclure? Tous ces avantages que les riches trouvent dans leurs possessions à la faveur de nos règlements, ne sont pas pour nous: et, à cet égard encore, nous sommes aussi étrangers à la révolution que si nous n’étions pas membres de l’État.

Jusqu'ici le nouvel ordre de choses est tout en faveur des riches et des intrigants : mais ce n'est là encore qu’une partie de leurs prérogatives. Pères conscrits, vous avez affecté de stipuler avec un soin extrême l’égalité des droits de tous les citoyens aux bénéfices de la société; et vous n'avez fixé d'autre titre aux emplois, aux places, aux dignités, que les talents et les vertus. Cela aurait paru merveilleux, si vous ne vous étiez pas empressés de déiruire votre propre ouvrage. Semblables à des joueurs de gobelets, bientôt on vous a vus escamoter l’une après l’autre toutes ces concessions. À peine eüles-vous reconnu que des hommes égaux par leur nature doivent être indistinctement appelés aux emplois qu'ils sont en état de remplir avec éloge, que vous ajoutâtes: {outefois, sans une contribution directe d'un marc d'argent, ils ne pourront représenter la nation; sans une contribution directe de dix livres, ils ne pourront devenir électeurs; sans une contribution directe de trois livres, ils ne pourront être citoyens actifs. Ainsi, au moyen de ces petites clauses, vous avez

1. M. d'Artois. (Nole de Marat) F

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