La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 163

vos jugements, vous blàmez aujourd'hui ce que vous approuverez demain, vous préconisez des inconnus pour l'œuvre la plus mince; vous paraissez n’avoir ni plan, ni but, et, pour comble de légèreté, vous arrêtez votre ami dans sa course, et vous suspendez ses coups, lorsqu'il se bat en furieux pour le salut de la cause commune, dans ces moments de crise où le peuple semble n'avoir plus rien à attendre que de son désespoir.

Les reproches déplacés, mais sanglants, que vous me faites dans votre n° 37, pourraient faire perdre à la cause de la liberté son plus zélé défenseur, en m'enlevant la confiance d’une multitude de citoyens peu en état de me juger. C'est cette crainte qui me réduit aujourd’hui à la triste nécessité de vous exposer le plan de ma conduite depuis époque de la révolution. Si vous aviez pris la peine de suivre ma marche, vous l’auriez jugée plus sainement, et vous m’auriez épargné la mortification de vous dire moimême ce qui n'aurait pas dû vons échapper. Mais, avant de vous dévoiler mon âme tout entière, il faut que je commence par faire tomber vos inculpations.

Vous imaginez, sans doute, avoir rendu un grand service à la cause de la liberté, en vous élevant avec force contre la feuille C’en est fait de nous, en accourant chez moi pour me faire part de vos alarmes, et en amenant un bel entretien pour me faire désavouer cet écrit. Mais je ne dois pas vous laisser ignorer, mon cher Camille, que l’entrevue que vous vous figurez avoir eue avec moi n'est qu’une illusion, que l’AMI DU PEUPLE à qui vous avez cru parler était à deux lieues de vous, qu'un plaisant entouré des rideaux de son lit le représentait, au cas d'événement, et que tout le beau plaidoyer que vous bâtissez là-dessus n’est qu’un fagot. Si la chambre où vous fûtes introduit eût été mieux éclairée, vous auriez reconnu quelques-uns des masques qui s'amuseront longtemps de votre erreur. Mais laissons là des plaisanteries qui ne sont plus de saison; à peine arraché au décret injuste qui avait été lancé contre nous, et à peine