La correspondance de Marat
166 LA CORRESPONDANCE DE MARAT
blée devenue trop souvent le théâtre des plus basses passions, et trop sujette à dégénérer en cohue.
Quant à moi, réputé le père de l'écrit de C’en est fail de nous, je suis si intimement convaincu de la vérité des principes de l’auteur, de la sagesse de ses conseils, de la pureté de ses vues, qu'il faut être l'ennemi déclaré de la révolution, pour ne pas voir en lui le meilleur des patriotes.
D'une autre part, j'ai un si souverain mépris pour ceux qui ont rendu le décret qui me déclare criminel de lèsenation, et plus encore pour ceux qui ont été chargés de l'exécuter; j'ai tant de confiance dans le bon sens du peuple, qu'on s'est efforcé d’égarer, et tant de certitude de l'attachement qu'il a pour son ami, dont il connait le zèle, que je suis sans la plus légère inquiétude sur les suites de ce décret honteux, et que je ne balancerais pas à aller me remettre entre les mains des jugeurs du Châtelet, si je pouvais le reconnaître pour un tribunal d’État, si j'avais l’assurance de ne pas être emprisonné, et d'être interrogé à la face des cieux, certain qu'ils seraient plus embarrassés que moi. S'ils n'étaient pas mis en pièces avant que J’Ami du Peuple eût achevé de plaider sa cause, ils apprendraient de lui ce que c’est que d’avoir affaire à un homme de tête, qui ne s’en laisse point imposer, qui ne prète point le flanc à la marche de la chicane, qui sait relever des juges prévaricateurs, les ramener au fond de l'affaire, et les montrer dans toute leur turpitude; ce que c’est que d'avoir affaire à un homme de cœur, fier de sa vertu, brûlant de patriotisme, exalté par le sentiment de la grandeur des intérêts qu’il défend, connaissant les grands mouvements des passions, et l’art d'amener les scènes tragiques.
Marar, l'ami du peuple.