La correspondance de Marat
174 LA CORRESPONDANCE DE MARAT
L'Ami du Peuple à M. Necker.
Si votre démission, Monsieur, n'était pas feinte, si votre retraite était sans retour, si vous aviez rendu fidèlement vos comptes, si vous éliez puni de vos malversations, la justice satisfaite m’imposerait silence; la haine que j'ai portée à un administrateur infidèle, à un ministre dangereux, à un suppôt redoutable du despotisme, expirerait avec votre pouvoir, et je ne verrais plus en vous qu’un particulier dont je dédaignerais de m'occuper un moment : mais je crois assez connaître votre caractère ambitieux pour me défier du parti que vous venez de prendre, pour regarder votre départ comme l'effet d’un orage que vous prévoyez, et dont vous voulez éviter l'éclat, où comme le dernier des pièges que vous voulez tendre aux Français. Vous le couvrez du prétexte de l’altération de votre santé, du retour de ces maux qui vous ont mis l’hiver dernier sur le bord de la tombe, et qui néanmoins n’empêchèrent pas le mort ou le mourant de figurer à l’Assemblée nationale pour séduire le peuple. Vous alléguez aussi les inquiétudes mortelles de votre compagne chérie, qui vous presse d'aller retrouver l'asile dont vous a tiré l'Assemblée nationale : mais, en dépit de vous, la vérité vient se placer au bout de votre plume; en achevant sa phrase, l’ex-ministre donne la clef de l'énigme aux pères de la patrie. À l'époque de mon arrivée, messieurs, leur dites-vous, vous approchez du terme de votre session, el je suis hors d'état d'entreprendre une nouvelle carrière; ce qui signifie en bon français : il faut, messieurs, que je prenne enfin mon parti; iln’ya que des gens de votre espèce qui puissent maintenir en place un agent de la mienne; vous approchez de la fin de votre bail, et je suis hors d'état de lutter contre vos successeurs, qui s’aviseront probablement de vouloir d’abord faire leur devoir, qui m'éplucheront des pieds à la tête, et qui