La correspondance de Marat

176 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

honneur, qui ne s'était jamais offensé des soupçons injurieux tant de fois élevés sur son administration au milieu même du sénat; mais celui d'un petit intrigant éconduit et accusant l'injustice du sort.

Eh ! qu'y a-t-il donc de si étrange dans ce qui vous arrive aujourd'hui? Depuis dix ans vous receviez nos adorations en vous moquant de notre simplicité, et vous nous accabliez d'emprunts; vous avez affecté de rendre compte de votre gestion dans un temps où rien ne vous obligeait; vous avez imposé ce devoir à yos successeurs ; VOUS avez refusé dès lors de vous soumettre vous-même, malgré les instances du publie; vous vous êtes joué des ordres des représentants de la nation; enfin vous avez remis un comple où l’on ne comprend rien ; vous nous avez donné mille raisons puissantes de vous regarder comme le chef des accapareurs du grain et du numénaire, le père du projet de famine qui a fait notre désespoir une année “entière ; vous nous avez épuisés par un impôt vexatoire; vous avez opprimé les pauvres dont vous vous disiez le père; vous vous êtes opposé au plan de la liquidation des dettes de l'État; vous fuyez au moment où l’on vous en demande un meilleur; et vous vous plaignez de l'injustice du sort!

Vous accusez le destin de la singularité des événements de votre vie. Que serait-ce, si, comme l'Ami du Peuple, vous étiez le jouet des hommes et la victime de votre patriotisme; si, en proie à une maladie mortelle, vous aviez, comme lui, renoncé à la conservation de vos jours pour éclairer le peuple sur ses droits et sur les moyens de les recouvrer ; si, dès l'instant de votre guérison, vous lui aviez consacré votre repos, vos veilles, votre liberté ; si vous vous étiez réduit au pain et à l’eau pour consacrer à la chose publique tout ce que vous possédiez ; si, pour défendre le peuple, vous aviez fait la guerre à tous ses ennemis; Si, pour sauver la classe des: infortunés, vous vous étiez brouillé avec tout l'univers sans ne pas vous ménager un seul asile sous le soleil: si, accusé tour à tour d'être vendu