La correspondance de Marat

186 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

dont l’un est le chef anti-révolutionnaire de la municipalité, et l’autre le chefcontre-révolutionnaire de la garde citoyenne, sont faites pour inspirer de la défiance. Que penser de votre jugement, ou plutôt de votre civisme, lorsqu'on vous entend leur donner les titres de héros, de défenseurs de la liberté?

Quoi qu’il en soit, monsieur, il importe à votre tranquillité et plus encore au salut publie que vos vrais sentiments soient bien connus. Je vais les mettre à une épreuve éclatante, qui fixera d’une manière irrévocable l’idée que le peuple doit avoir de vos vertus civiques. Quinze cents commissaires du roi pour Îles nouveaux tribunaux ont été désignés par votre prédécesseur, de honteuse mémoire; ces commissaires, choisis parmi l'écume des gens de loi, la lie de l’ancienne magistrature, sont la plupart des procureurs généraux, des lieutenants de bailliages, des subdélégués d'intendants, hommes sans foi et sans loi, bien connus par leurs vices, leurs méfaits; tous ennemis déclarés de la révolution, et presque tous tyranneaux du peuple, presque tous flétris par l'opinion publique. Je n’ai plus qu’un trait à ajouter, c’est que le Blanc de Verneuil et Boucher d’Argis sont du nombre. Un pareil choix devait exciter l’indignation publique; aussi a-t-il élevé de toutes parts de vives réclamations. Des hommes de cette espèce ne peuvent que servir le despotisme et perdre la liberté; ils n’ont encore que des bons du roi, bons surpris à sa crédulité par l’infâme Champion, bons nuls de droit, si le monarque a l'ombre de justice, bons qui doivent êlre révoqués sans délai. Vos devoirs de chef de la magistrature, et plus encore vos devoirs d’honnête citoyen, de vrai patriote, vous font une loi sacrée, monsieur, de faire suspendre leur installation, de prendre connaissance des raisons de récusation alléguées contre eux, et de faire révoquer tous ecux qui ont démérité, pour nommer à leur place des hommes intègres et judicieux. Confirmer leur choix serait vous couvrir d’opprobre, et vos proteslations d’intégrité et de patriotisme ne passe-