La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 197

gorner par vos valets municipaux, et pour ramener à vos autels nos bataillons plus engoués, plus dociles et plus -dévoués à vos ordres que jamais. Puis, comptant d'un œil inquiet leur députation, humilié de leur petit nombre, et faisant de nécessité vertu, vous avez annoncé avec appareil que vous persistez dans voire résolution; vous allez en. pompe à la maison de ville réciter un discours d’apparat, vous y jouez en tartuffe le rôle d'un patriote désintéressé, et vous mendiez avec adresse le retour de la confiance de l'armée parisienne, en déclarant que, l'opinion publique wétant plus pour vous, le bon ordre (vous pouviez ajouter le salut public) est intéressé à votre retraite. Enfin, vous vous ménagez les moyens de travailler la troupe, en rentrant dans les rangs en qualité de simple grenadier, en attendant que l’occasion se présente de la soulever et de vous faire élever à la dictature. |

Pourquoi tant d'appareil, de lenteurs, de démarches, de menées, de grimaces, d'hypocrisie, de fourbe, de perfidie, si vous ne cherchiez pas à donner le temps à vos créatures de ramener les bataillons à vos genoux? Pourquoi ce bonnet de grenadier, à vous père conscrit que vos devoirs de député rappellent au sénat, si ce n'est pour transporter d'admiration et de plaisir vos nouveaux camarades, les porter à l’excès de l'ivresse, avoir un prétexte de travailler la troupe, attendre l’occasion de vous faire élever à la dictature? Serpent tortueux! dans votre état d’abjection, je vous trouve plus redoutable que jamais; et ce n’est pas sans effroi que je vous vois faire les derniers efforts pour abuser barbarement du caractère funeste d’une nation ignare et frivole, qui s'engoue de tout, qui ne sait jamais s'arrêter, qui décerne l’apothéose aux adroits scélérats qui l’ont trahie, et qui reprend avec gaité ses fers, l'instant d’après qu'elle vient de les rompre avec fureur. Fussiez-vous congédiés sans retour, vous et votre indigne état-major, je proposerais aux citoyens sauvés un 7e Deum en mémoire de leur heureuse délivrance : et je dédaigne-

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